Les ressources marines (2012)

L’état de la ressource

La préservation de l’environnement marin, la qualité exceptionnelle des eaux, la présence de territoires de pêche encore inexploités, notamment dans les eaux territoriales (12 milles nautiques), la présence de nombreux golfes qui constituent des abris naturels constituent des conditions très favorables à l’exploitation des ressources halieutiques en Corse.

La bande côtière présente une grande variété de fonds (roches, sables, herbiers), propice au développement d’une faune marine très diversifiée comprenant des espèces pêchées emblématiques à haute valeur ajoutée (langouste rouge, homard, oursin, denti, mérou, etc.) mais pour laquelle une insuffisance de données ne permet pas de quantifier l’état des stocks.

Les scientifiques (Stareso, Université de Corse, Stella Mare, Ifremer), en partenariat avec les professionnels, étudient les populations d’espèces telles que la langouste rouge, le denti, l’oursin, l’anguille, l’espadon et réalisent des travaux de recherche en aquaculture.

L’influence du réchauffement climatique sur la ressource (populations et répartition géographique) est encore mal connue et devra faire l’objet de travaux.

 

La pêche professionnelle

La pêche professionnelle est pratiquée sur tout le littoral insulaire, soit une bande côtière longue de 1 043 kilomètres et comprise entre 0 et 12 milles nautiques, mais s’exerce à 80 % entre 0 à 3 milles pour des profondeurs variant de 0 à 600 mètres.

La flotte et les techniques de pêche


La flottille de pêche corse comprend 208 unités réparties sur quatre segments d’activité :

  • les « petits métiers côtiers », principalement des pointus de six à neuf mètres (les plus nombreux) : 180 licences;
  • les « petits métiers du large » (palangriers, fileyeurs, etc.) : quatre licences;
  • les chalutiers (limité à neuf licences de chalut de fonds et pélagiques), principalement sur la côte orientale;
  • les corailleurs avec une autorisation annuelle limitée à dix armements.
  • Cette flotte, qui est restée très artisanale (embarcations de petit format) se caractérise par :
  • l’âge important des bateaux: malgré l’effort de modernisation soutenu par la CTC, seul 50 % de la flotte a été renouvelée et la moyenne d’âge des bateaux est de 28 ans;
  • l’inadaptation de la flottille à la diversification liée au manque de capacité de puissance motrice et de jauge pour renouveler et réorienter la flotte et ses activités.

Les pêcheurs corses doivent par ailleurs faire face aux contraintes liées à l’insularité (surcoût du carburant, des approvisionnements et des matériels).

La capacité limitée de la flotte permet en contrepartie de s’adapter aux contraintes locales du marché tout en privilégiant la forte valeur ajoutée.

Les engins de pêche utilisés (filets trémails, mailles à poissons, casiers ou palangres) fournissent une production très diversifiée d’environ 1 200 tonnes par an, toutes espèces confondues (poissons blancs, poissons de roches, langoustes rouges et autres crustacés, petits et grands pélagiques, céphalopodes, oursins, etc.)
Les campagnes de pêche sont journalières, voire à la demi-journée.

Port de pêche de Centuri

La pêche concerne différentes espèces en fonction des saisons (cueillette des oursins enhiver, pêche de la langouste de mars à septembre, pêche au filet) et n’est pratiquée qu’une partie de l’année par de nombreux bateaux.

Les pêches aux filets trémail et monofils constituent la majorité des engins utilisés. Les professionnels sont incités à utiliser des engins sélectifs (palangre, casiers), notamment dans le cadre du plan Langouste.

La langouste, source importante de revenus pour la pêche locale, a en effet fait l’objet d’une pêche aux filets, certes efficace, mais contestable par ses conséquences sur les écosystèmes benthiques (prises inutiles d’espèces nobles qui ne sont pas commercialisées car corrompues, les filets restants calés plusieurs jours). Pour remédier à cette situation la mise en place d’un plan régional Langouste a consisté à accompagner financièrement les marins pêcheurs à abandonner le trémail pour l’utilisation d’une nasse moderne à deux niveaux (130 des 195 navires corses ont adhérés à ce dispositif) et la création d’un centre - laboratoire - réseau méditerranéen de recherche en Corse sur la langouste en vue d’opérations de repeuplement et de maîtrise de l’élevage.

Les chalutiers opèrent toute l’année, principalement de Bastia jusqu’au sud de Porto-Vecchio, sur la côte orientale mais le nombre de bateaux reste très limité (neuf). Une tentative de redéploiement des efforts de pêche vers les espèces hauturières (thons, espadon, pélamides) a été limitée par l’interdiction des filets dérivants (2010), le renforcement des quotas de capture pour le thon rouge et une période de fermeture élargie pour les espadons.

La filière pêche

Les professionnels sont fédérés au sein du Comité régional des pêches maritimes et élevages marins de Corse mais la filière reste peu structurée.

Les territoires de pêche sont répartis en quatre circonscriptions de pêche appelées prud’homies : Ajaccio, Bonifacio, Balagne et Bastia - Cap Corse, cette dernière, la plus ancienne, ayant été crééeen 1801. Ces prud’homies sont inégalement fréquentées, celle d’Ajaccio regroupant à elle seule prés de 50 % des effectifs.

Les entreprises sont toutes des très petites entreprises (TPE), essentiellement constituées d’un seul salarié (deux au maximum). L’effectif global est d’environ 310 emplois directs, soit 210 patrons et une petite centaine de marins. Le chiffre d’affaires estimé de la filière est de 17 millions d’euros. La moyenne d’âge est assez élevée (50 ans) et en augmentation même si quelques jeunes se tournent vers le métier.

Du point de vue de la structuration commerciale du territoire, les 24 ports insulaires et quelques abris font office de lieux de débarquement. L’ensemble de la production est vendue dans l’île en produits très frais (vente directe, restauration, mareyage).

Les structures de commercialisation des produits sont également très faiblement développées. La filière souffre en particulier de l’absence de criée, de marée, de structure coopérative, de groupement ou d’organisation de producteurs. Cette situation a pour effet direct de constituer un frein aux potentialités de pénétration du marché intérieur insulaire et ne permet pas à l’offre de s’adapter aux fluctuations de la demande notamment en période estivale et pour certaines espèces.

Les aménagements de nombreux ports sont inégaux en terme d’équipements professionnels destinés à faciliter la pratique ou à améliorer la qualité de conservation des prises (stations d’avitaillement, aires de carénage, chambre froide, box de rangement des filets, étal de vente) mais de nombreux efforts ont été réalisés ces dernières années à l’initiative des organisations socioprofessionnelles et de certains maîtres d’ouvrage ayant en charge la gestion des ports.

Les manques de la filière ont également pour conséquence de générer des prix
importants pour la clientèle locale et touristique qui reste demandeuse de produits de qualité. Ces tarifs rendent le poisson frais local souvent plus cher que le poisson importé. En raison de la faiblesse de la production,des coûts liés aux transports et des insuffisances logistiques, les exportations sont pratiquement inexistantes.

Le pescatourisme

Capture d'espadons

Répondant à une double demande des professionnels qui souhaitent diversifier leurs activités et des habitants et touristes qui veulent mieux connaître le monde de la pêche, l’organisation de sorties en mer sur des bateaux de pêche commence à voir le jour malgré des difficultés techniques (navires souvent peu adaptés, conditions de sécurité à respecter) et administratives (régime d’autorisation, assurances).

Sept bateaux en Haute-Corse peuvent accueillir depuis l’année 2012 de deux à cinq personnes selon le nombre de membres d’équipage présent à bord. Un bateau construit spécialement à cet effet accueille depuis trois ans une douzaine de personnes à son bord à Bonifacio.

Cette initiative mise en œuvre dans le cadre du fond européen pour la pêche permet d’améliorer l’image du pêcheur dans l’opinion et à ceux qui valorisent leurs produits au sein de la restauration ou en vente directe, d’améliorer leurs revenus.

 

Une forte implication dans la politique environnementale

La profession a pris conscience de la valeur du patrimoine environnemental corse, de l’intérêt halieutique des mesures de protection (augmentation des prises autour des réserves de Scandola et des Bouches de Bonifacio). Elle contribue activement à la mise en place de mesures de gestion durable de la ressource en partenariat avec les pouvoirs publics et les gestionnaires ou promoteurs d’aires marines protégées : mise en place de cantonnements de pêche, de réserves intégrales, de parcs marins, d’aires marines protégées, de règles locales sur les quantités de filets, les tailles des mailles, les périodes d’interdiction et les tailles de capture, plan Langouste, mise à l’eau de dispositifs concentrateurs de poissons (DCP), etc.

Les professionnels adhèrent aujourd’hui à des actions significatives dans le domaine de la diversification, notamment dans le cadre d’un programme d’implantation de récifs artificiels sur la côte nord-est de la Corse.

Le retour sur cette expérimentation est plus quepositif, avec pour effet de voir naître des discussions sur les futures zones d’implantation de récifs artificiels.

Depuis le 1er janvier 2007, l’accompagnement de la filière pêche est encadré, par décision de l’Assemblée de Corse, par l’Office de l’environnement de la Corse à travers la mise en œuvre d’une politique de promotion du développement durable et de la préservation de la ressource.

 

La conchyliculture et la pisciculture marine

Ces deux filières de production disposent d’un savoir-faire reconnu depuis plus de trente ans, mais sont confrontées à de nombreuses contraintes :

  • conflits d’usage et d’occupation de l’espace notamment sur la frange littorale ;
  • qualité des eaux notamment sur certains étangs littoraux et dans les golfes fermés ;
  • diversification de l’alimentation et maladies des espèces élevées.

L’aquaculture corse est organisée autour de onze entreprises de production réparties sur tout le littoral de l’île mais principalement dans le sud de la Corse. La profession est structurée et représentée par le Syndicat des aquaculteurs corses.

  • L’activité concerne deux filières qui emploient environ 125 personnes, principalement de la main d’œuvre qualifiée :
  • la filière conchylicole est installée sur les étangs de la côte orientale (Diane et Urbinu). Elle regroupe quatre entreprises de production d’huîtres creuses, d’huîtres plates et de moules ;
  • la filière piscicole est constituée de sept entreprises qui produisent trois espèces, à savoir le loup (bar), la daurade royale et le maigre. Le plus gros site de production piscicole en mer ouverte (le deuxième en France) est installé en baie d’Ajaccio (sites d’Aspretto et de La Parata). Il regroupe trois entreprises qui produisent 70 % de la production piscicole de l’île.

La production aquacole actuelle est d’environ 2 200 tonnes par an, soit 1 200 tonnes de poisson (bar, daurade et maigre) et 950 tonnes de coquillages (moule et huître). 95 % de la production piscicole et 30 % des coquillages, qui s’inscrivent dans une démarche « qualité » forte, sont exportés vers le continent et les pays d’Europe.

Cette démarche qualité est optimisée par diverses actions spécifiques :

  • veille quasi permanente du SAVU (Service d’assistance vétérinaire d’urgence) sur les exploitations corses;
  • suivi environnemental des fermes piscicoles en mer;
  • suivi parasitaire avec l’Université de Corse;
  • faible densité du cheptel dans les cages (quatre fois moins que dans les élevages grecs ou turcs) favorisant ainsi le bien-être de l’animal et la qualité du produit;
  • obtention du Label Rouge (le seul en France pour du poisson marin) pour les trois espèces de poissons élevés dans l’île
  • L’aquaculture corse représente, après la viticulture et la clémentine, la principale activité exportatrice de l’île. Son chiffre d’affaires annuel est proche des 13 millions d’euros.

Aquaculture marine et dauphin

Le développement de ces deux filières devra être pris en compte dans la planification stratégique en mer et sur le littoral, dans les actions d’amélioration de la qualité des eaux littorales et dans les programmes de recherche-développement.

L’enjeux actuel est la détermination de nouveaux sites potentiels qui permettent de répondre aux impératifs de production en limitant au maximum les impacts environnementaux. Ces sites feront l’objet d’un schéma régional de développement de l’aquaculture marine. Il s’agit d’éviter le positionnement de fermes sur des sites mal oxygénés qui conduiraient à une limitation de la production, comme cela a été le cas par le passé dans les golfes de Figari ou de Santa Manza, où ces contraintes environnementales limitent les entreprises dans leur développement.

Les professionnels ont d’ailleurs adapté leur stratégie de production au développement durable; ainsi les étangs de la côte orientale de l’île sont aujourd’hui exclusivement consacrés à la conchyliculture. Les échecs économiques d’une pisciculture intensive organisée sur les lagunes dans les années 1990 ont eu raison de cette activité.

L’évolution des pratiques d’alimentation et l’abandon de l’utilisation des antibiotiques de croissance constituent les socles de la nouvelle charte du développement durable de l’aquaculture en France adoptée par les acteurs corses de la filière en 2011.

Les ressources marines

  • Caractéristiques principales
  •  P  Polyvalence des navires et des productions
  •   P  Qualité du milieu et des espèces pêchées
  •  P  Rôle clé dans l’attractivité du littoral des ports de pêche (patrimoine marin et culturel)
  •   P  Filière artisanale
  •  A  Évolution des pratiques d’alimentation et abandon de l’utilisation des antibiotiques de croissance
  •   A  Prise de conscience de la profession de la nécessité de placer les fermes dans les zones plus oxygénées
  •  A  Complémentarité avec le secteur de la pêche
  •   P  Insuffisance des données concernant l’état des stocks
  •  P  Augmentation de l'âge moyen des pêcheurs
  •   P  Vieillissement de la flotte et augmentation des risques « sécurité », de la dépendance énergétique
  •  A  Impacts sur le milieu naturel (rejets pour la pisciculture) et forte dépendance de l'élevage à la bonne qualité de l'eau (pollutions)
  •   A  Forte dépendance à la pêche pour l'alimentation du poisson élevé
  •  A  Conflit d'occupation de l'espace en zones touristiques ou sensibles et conflits d’usage
  •   A  Forte concurrence de pays avec des conditions économiques, environnementales ou réglementaires moins contraignantes.
  • Tendances évolutives
  •   P  Prise de conscience depuis plusieurs années, par la profession de la nécessité de préserver la valeur de son patrimoine environnemental
  •   A  Développement des signes de qualité pour les produits d’aquaculture
  •   A  Prise de conscience de la profession de la nécessité de placer les fermes dans les zones plus oxygénées
  •   P  Conflits d’usage en zone littorale (plaisance et loisirs nautiques, pêche amateur)
  •   P  Connaissances insuffisantes sur l’influence du changement climatique sur l’abondance et la répartition de la ressource halieutique

 

  Point positif   Point négatif    P : pêche    A : acquaculture

Cet article provient du site de Observatoire du Développement Durable de Corse
http://www.oddc.fr