Le changement climatique (2020)

En 2019, en vue de l'actualisation du profil environnemental, la DREAL Corse et l'OEC ont confié au CEREMA Normandie-Centre une étude sur le changement climatique.

La méthodologie de l'étude a consisté, à partir des études de référence déjà réalisées, à :

  • examiner les évolutions du climat,
  • analyser leurs effets attendus sur les activités humaines (impacts) basés sur des constats partagés, au regard d'indicateurs ou en fonction d'éléments issus de la bibliographie et des entretiens avec les experts locaux,
  • afficher les éléments de politiques publiques déjà mis en œuvre, à venir ou proposés, incluant les études et programmes de recherche sur le sujet (réponses).

Le rapport final peut être considéré comme une état des connaissances à la mi-2020, mis à la dis-position des acteurs locaux qui souhaiteraient approfondir certaines thématiques. A noter néanmoins que les résultats de plusieurs études importantes devraient dans les mois qui viennent apporter de nouvelles connaissances : le rapport 2021 du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), la publication des modèles DRIAS 2020 par Meteo France, la publication des résultats de l'étude européenne SOCLIMPACT sur les effets du changement climatique dans les îles.

Observations et projections météorologiques

Paramètres Observations et projections Température de l'air Température moyenne annuelle : Augmentation de 1°C entre les années 50 et aujourd'hui Les projections à l'horizon 2100 font état d'un réchauffement quels que soient les scénarios (+4°C pour le plus défavorable) Nombre de journées chaudes : +35 jours à l'horizon 2100 selon le scénario « stable », +63 jours selon le scénario défavorable) Vagues de chaleur Depuis 1947, presque toutes les vagues de chaleur ont été observées depuis 2009. Si celle de 2017 a été la plus intense, celle de 2019 a été plus longue mais moins intense Sécheresse des sols En moyenne depuis 1981 : augmentation de 10 % en surface des sols touchée par la sécheresse. En 2017, un niveau record a été atteint avec près de 60 % de la surface de sols touchée par la sécheresse. Précipitations Diminution des précipitations sur la période 1959-2009. Elles sont caractérisées par une grande variabilité d'une année sur l'autre. Peu d'évolution quelles que soient les projections. Précipitations extrêmes Pas de tendance observée d'une hausse significative des précipitations intenses en Méditerranée. Les projections Météo France à l'horizon 2100 montrent une anomalie négative du nombre de jours de fortes précipitations.

 

 

Figure 61 : Vagues de chaleur observées en Corse depuis 1947 (Météo France, Climat HD)

 

 

Figure 62 : Modélisation de l'évolution du nombre de jours anormalement chauds
(moyenne régionale sur une période glissante de 11 ans) pour le scénario climatique RCP 4,5
(Météo France, DRIAS 2014 - traitement Cerema 2020)

 

 

Synthèse des principaux impacts attendus sur les milieux et les activités humaines

La thématique de l'eau ayant été traitée par ailleurs, de manière exhaustive, dans le cadre du plan de bassin d'adaptation au changement climatique, le lecteur est invité à consulter le dit document.

Les milieux terrestres

De manière globale, l'augmentation des températures et des périodes de sécheresse et la diminution de l'humidité des sols favoriseront :

  • la migration altitudinale des étages de végétation / des organismes d'eau douce en tête de rivière.
  • le stress hydrique et l'assèchement de la végétation vont concourir à la diminution de la croissance végétale.
  • La modification des types d'habitats et des espèces présentes et en particulier l'extension du maquis et le développement préférentiel des espèces xérophiles (organismes vivants dans des milieux très pauvres en eau).
  • L'augmentation de la vulnérabilité des espèces notamment endémiques et de certains milieux (zones humides et forêts).

Des espaces à enjeux seront probablement fortement impactés comme par exemple l'assèchement de certains milieux humides remarquables dont les tourbières d'altitude (pozzines). La salinisation des zones humides littorales favorisées par l'élévation du niveau de la mer et la baisse du niveau des cours d'eau et nappes, en période estivale, modifieront ces écosystèmes.

La sylviculture sera impactée par un ralentissement de la croissance des arbres, un changement de composition des stations forestières, une augmentation de vulnérabilité des peuplements (stress hydrique, moindre résistance aux ravageurs, ...).

Dès à présent, une forte mortalité des arbres a été constatée lors des sécheresses ainsi qu'une augmentation du déficit foliaire depuis 1989.

L'agriculture verra une diminution des rendements sur certaines productions : fourrage, miel, châtaignes, olives, vignes (effets déjà constatés lors de l'été 2017), assortie d'une baisse de la qualité pour certaines productions comme les amandes et plus généralement un avancement du calendrier des récoltes.

Les milieux marins

Les effets directs liés à l'augmentation de la température de l'eau de mer et du niveau marin et au phénomène d'acidification des océans, sont déjà visibles :

  • Augmentation de la mortalité des herbiers de Posidonie et régression de leur limite inférieure (2,5 cm / an en moyenne).
  • Anomalies d'abondance et variation de composition du phytoplancton + Augmentation des espèces thermophiles (invasives ou non) parmi les populations piscicoles
  • Augmentation de la mortalité des Formations bioconstruites / organismes calcaires (Litho-phyllum, corail)

Les conséquences sur les activités humaines concerneront surtout la filière de la pêche et de l'aquaculture.

Pour la pêche, la diminution des frayères et des nurseries pour de nombreuses espèces piscicoles, la diminution de la nourriture disponible (phytoplancton), l'évolution des caracté-ristiques physico-chimiques du milieu, la compétition avec de nouvelles espèces entraîneront une diminution de certains stocks et par voie de conséquence une baisse des prises pour les marins-pêcheurs à effort constant (baisse de l'indice Capture par Unité d'Effort).

Pour l'aquaculture, la dégradation des conditions sanitaires des lagunes littorales pourra impacter des productions conchylicoles à forte notoriété. Le réchauffement de l'eau provoque l'augmentation de virus affectant les espèces aquacoles et favorise l'émergence d'espèces de phytoplancton potentiellement toxiques.

Le risque incendie et hydrologique

Pour les incendies de forêt, il n'y a pas d'observation à l'heure actuelle d'une augmentation des surfaces incendiées sur le temps long, mais il est constaté que les conditions deviennent plus favorables aux départs et à la propagation des feux (végétation plus sèche) y compris hors saison estivale. Les diverses simulations sur les climats futurs indiquent une augmentation du risque.

Pour l'hydrologie, les bassins versants très compartimentés induisent une forte variabilité des réponses aux pluies. Les écarts de régimes hydrologiques des cours d'eau sont difficiles à anticiper.

En période hivernale, le changement climatique affectera à la hausse la limite altimétrique pluie-neige limitant les réserves d'eau sous forme de manteau neigeux et favorisant les inondations.

En période estivale, il est déjà observé une diminution des débits d'étiage ou des étiages plus longs (Golo, Tavignano)

Les conséquences sur les activités humaines sont susceptibles d'affecter de nombreuses thématiques :

  • Risque accru de détérioration ou d'interruption de service des infrastructures de transport (transports / mobilité),
  • Risque de forts incendies dans les zones touristiques pouvant entraîner une baisse d'attractivité, au moins au niveau local, pendant plusieurs années (tourisme),
  • Diminution de la période de production d'hydroélectricité dans l'année et des volumes turbinés (énergie).

Les risques submersion marine et érosion côtière

Pour la submersion marine :

  • Augmentation de la fréquence des submersions permanentes et temporaires. -Changement du régime des tempêtes (intensité et fréquence).
  • Augmentation de la hauteur des vagues.
  • Valuation de l'aléa sur le littoral de Zonza à Bonifacio (2016) : l'hypothèse d'augmentation du niveau marin de 60 cm à l'horizon 2100, apparaissant désormais optimiste

Tempête Adrian 29/10/2018, Ajaccio (B. Recorbet)

 

Pour l'érosion côtière :

  • Aléa plus important sur les côtes sableuses et à falaises calcaires.
  • Secteurs localisés sur les plages de la plaine orientale et sur le littoral ajaccien et de Balagne.
  • Une remontée du niveau marin de 30 cm pourrait faire perdre 10 à 20 % de largeur de plage d'ici 2050 pour les cas de Porto et Palombaggia. L'impact de l'élévation du niveau marin sur l'érosion des plages est toutefois à modérer compte tenu de la capacité de recul du trait de côte sur beaucoup d'entre elles.

L'évolution de ces risques aura un impact localisé sur les infrastructures très proches du rivage qu'il s'agisse d'infrastructures de transports tant terrestres que portuaires ou d'équipements touristiques.

La santé des populations

Elle sera affectée par des évènements de plus en plus courants :

  • L'augmentation de la fréquence, durée et intensité des canicules impactant l'ensemble de la population et fortement préjudiciable aux personnes âgées et aux plus vulnérables.
  • La pollution de l'air avec une augmentation des pics d'ozone, des particules fines et des concentrations en pollens.
  • Des maladies émergentes sont susceptibles de se développer. Par exemple, depuis 2018, le moustique tigre, vecteur potentiel de la dengue, du chikungunya et du zika, est implanté sur l'ensemble de l'île. Si le réchauffement climatique n'est pas favorable à une augmentation de sa population en période estivale, il est noté, des à présent, que sa période de reproduction s'est allongée hors des mois d'été.
  • La diminution des débits d'étiage en rivière favorisant des pollutions localisées.

Moustique tigre (James Gathany)

 

En termes d'aménagement, les impacts du changement climatique concerneront l'inconfort dans les villes, transports et bâtiments. La disponibilité en eau et surtout son partage entre les activités sera un enjeu majeur.

De la même manière, le secteur du tourisme pourra être impacté par une baisse d'attractivité liée aux fortes chaleurs tant diurnes que nocturnes ou à des restrictions de certaines activités comme la baignade en eau douce.

L'augmentation des températures pourrait aussi accentuer le pic de consommation électrique estival.

 

Réponses et bonnes pratiques en terme d'atténuation et d'adaptation

Planification et politiques en matière de climat

Les principaux documents cadres intègrent des objectifs et mesures d'adaptation aux effets du changement climatique souvent ambitieux :

  • Le Plan d'Aménagement et de Développement Durable de Corse 2015 (projet d'aménagement à l'horizon 2040).
  • Le Schéma Régional Climat Air et Energie de Corse 2013 - 2020 Moustique tigre (James Gathany) 219
  • La Programmation Pluriannuelle de l'Énergie de la Corse 2015 (en cours d'actualisation)
  • Le Plan de Bassin d'Adaptation au Changement Climatique
  • Le Document Stratégique de Façade maritime
  • Le Plan Régional Santé Environnement (PRSE3 2018-2021)

Approches thématiques

Vis-à-vis des écosystèmes

Évaluer et préserver les écosystèmes puits de carbone

Projet PADDUC Change (Atouts du Développement Durable de la Corse face au défi du changement climatique) : il consiste en l'évaluation de la contribution des écosystèmes clés à l'atténuation des effets du changement climatique (herbiers de Posidonie et pozzines), afin de renforcer ces puits de carbone. Exemple : la surface couverte par les herbiers de Posidonie est estimée à 20 452 ha et ceux-ci stockent 6,6 t CO2/ha/an

Endiguer l'artificialisation des sols, pour faciliter la résilience

Sur l'île, l'artificialisation se concentre surtout sur la partie littorale dans les secteurs les plus urbanisés ou touristiques. Les politiques publiques visent à limiter l'artificialisation et à favoriser la densification des constructions.

Vis-à-vis des risques naturels

  • Le risque incendie (feux de forêt)

Le Plan de Protection des Forêts et des Espaces Naturels contre les Incendies (PPFENI) 2013-2022 encadre et prévoit les mesures de lutte contre les incendies de forêt comme les coupures agricoles nécessaires au cloisonnement des massifs et la réalisation des zones de Protection rapprochée de massif forestier (PRMF).

  • Le risque inondations

Pour répondre à l'enjeu inondations, l'île dispose déjà de moyens d'adaptation sous la forme de mesures de prévention et d'information mises en place localement, notamment avec les Plans de Prévention des Risques d'Inondations (PPRI) et l'Atlas des zones inondables (AZI) permettant la cartographie du risque.

  • Les risques submersion marine et érosion côtière

Les moyens d'adaptation suivants sont déjà intégrés dans les politiques publiques ou à l'étude :

  • Aménager des protections des plages (aménagements doux de hauts de plage)
  • Prendre en compte les submersions marines temporaires
  • Protéger les ouvrages portuaires
  • Anticiper les risques et protéger les fonds marins par les documents stratégiques de façades

Vis-à-vis de la santé des populations

Le 3ème plan régional santé environnement (PRSE3 2018-2021) de Corse anticipe l'évolution des risques émergents auxquels participent directement ou indirectement le changement climatique. On notera en particulier la réalisation prévue d'un état des lieux multi matriciel sur les risques actuels et émergents, avec la mise en place d'un réseau de veille ou la campagne de communication, information et mobilisation contre le moustique tigre.

D'autres actions sont aussi prévues ou déjà mises en œuvre au titre des politiques publiques :

  • Accroître les capacités de stockage interannuel pour sécuriser la production d'eau potable.
  • Établir un plan régional de prévention, de surveillance et de gestion des efflorescences de cyanobactéries dans les plans d'eau, lacs et rivières.
  • Améliorer la gestion des pollutions microbiologiques des cours d'eau en tenant compte des usages.
  • Surveiller la qualité de l'air et réduire les émissions de polluants de l'ensemble des secteurs.
  • Favoriser la rénovation énergétique des bâtiments et les aménagements de type 'Nature en ville'.

 

Vis-à-vis des activités humaines

L'énergie

  • Réduire la vulnérabilité énergétique de la Corse et tendre vers l'autonomie énergétique en s'appuyant sur les énergies renouvelables locales et notamment l'énergie photovoltaïque.
  • Développer et sécuriser les réseaux électriques.
  • Développer le réseau de chaleur : système de centrales mutualisées en réseau ou boucle tempérée (afin de se prémunir des vagues de chaleur, des îlots de chaleur en ville) ;

Les productions agricoles

Des études ont été réalisées ou sont en cours telles que l'étude ClimA XXI (analyse de l'effet du changement climatique sur les productions agricoles pour 3 filières : agrumes, vigne, fourrage) ou les recherches de l'INRA sur des variétés plus adaptées au climat futur.

  • Diversifier la ressource fourragère pour les troupeaux.
  • Favoriser le recours à l'agroforesterie qui consiste en l'association d'arbres et de cultures ou d'animaux sur une même parcelle. Cette pratique ancestrale est aujourd'hui mise en avant car elle permet une meilleure utilisation des ressources, une plus grande diversité biologique et la création d'un micro-climat favorable à l'augmentation des rendements et au bien-être des troupeaux en été.

La sylviculture

  • Favoriser la diversification des essences pour accroître la résistance.
  • Limiter le déficit hydrique (réduire les densités de plantation, éclaircie du taillis).
  • Adapter les pratiques sylvicoles aux maladies présentes et à venir (ex : scolytes).

Les productions marines

Au titre des programmes de recherches :

  • Plateforme Stella Mare (Université de Corse) : création de zones de restauration écologique pour la ressource halieutique.
  • Programme STARECAPMED (STARESO) : évaluer l'état de santé des écosystèmes marins côtiers de Méditerranée.
  • Programme de recherche Moonfish (Université de Corse, CNRS) : assurer une exploitation raisonnée de la ressource halieutique tenant compte du changement climatique.
  • Depuis 2017, projet DACOR : développer une méthode d'estimation de la production annuelle pour les captures totales, pour alimenter le SIH de l'IFREMER.

L'aménagement

Dans les zones les plus denses existantes, il conviendrait d'intensifier les solutions fondées sur la nature, tels que les îlots de fraîcheur et de conforter l'armature verte et bleue afin de les rendre plus résilientes aux effets du changement climatique.

Le bâti

Le programme ORELI est un projet régional financé par l'Ademe et la Région ayant pour objectif de rénover un maximum de bâtiments. Le SRCAE vise l'autonomie énergétique de la Corse à horizon 2050 ce qui doit se traduire par un équivalent de 3000 logements par/an. Le projet ORELI ambitionne de rénover 200 maisons individuelles afin de créer des modèles de rénovation type.

Le tourisme

Différentes démarches sont à noter :

  • Labels du tourisme durable en particulier Écolabel européen, label clef verte et label pavillon bleu .
  • Démarche Respect des hôtels (formation du personnel hôtelier aux économies d'énergie, d'eau, ...)
  • Convention DREAL / UMIH (Union des métiers de l'Industrie Hôtelière) pour promouvoir des démarches environnementales
  • Élaboration d'un plan de développement tourisme durable par l'agence du tourisme de la Corse
  • Les initiatives privées de pratiques plus respectueuses de l'environnement.

 

Cet article provient du site de Observatoire du Développement Durable de Corse
http://www.oddc.fr