Les paysages naturels et le patrimoine bâti (2020)

L’évolution des paysages

Les ensembles paysagers (DREAL)

L'Homme est au cœur des paysages qu'il a peu ou prou contribué à produire, qu'il a choisi ou qu'il subit. La manière dont on va habiter, se mouvoir, consommer, va avoir un impact sur les paysages. L'homme par sa présence comme son absence impacte le paysage. On passe au cours du temps de paysages pastoraux à des paysages enmaquisés, de paysages ouverts à des paysages fermés. De manière plus générale, la modification des pratiques agricoles a impacté la végétation et donc le paysage, mais c'est aussi un retour à une certaine « normalité » paysagère quand on sait que les activités agro-sylvo-pastorale ont causé des perturbations considérables sur le paysage naturel. L'abandon relatif des espaces de l'intérieur traduit également l'absence de débouchés économiques. En Corse, la résidentialisation du littoral a aussi considérablement modifié le paysage. Toutes ces transformations sont la conséquence des (nouvelles) façons de vivre le territoire.

La Corse est une île étroite de 80 kilomètres de largeur maximale qui culmine à 2 707 m au Monte Cinto sur l'épine dorsale montagneuse qui traverse l'île du nord au sud. Elle présente deux façades maritimes aux profils différents et se prolonge, au nord, par le Cap Corse, une longue péninsule montagneuse. L'île est cloisonnée par un relief vigoureux, les paysages naturels y sont très contrastés et la grande ligne des massifs montagneux forme une toile de fond partout présente.

Perpendiculairement à cette épine dorsale se dessinent des vallées autour desquelles était organisée l'activité agro-sylvo-pastorale des communautés villageoises. Le pourtour immédiat des villages était consacré aux cultures vivrières et aux vergers dans un espace dénommé « U Circulu » et au-delà était développée la transhumance sur le domaine pastoral « A pastureccia » en hiver en plaine et en été en montagne. Ainsi du bord de mer à une altitude de 1 700 m le paysage était façonné par l'activité humaine avec de nombreux édifices en pierre sèche liés à l'activité pastorale et autour des villages des terrasses de cultures, et des constructions liées à l'usage de l'eau, moulins, fontaines, réseaux d'irrigation.

Tous ces éléments étaient reliés par des chemins empierrés adaptés aux déplacements des hommes, des bêtes et des productions. La disparition progressive et récente de cette organisation liée à la désertification rurale entraîne une modification rapide des paysages, mais l'analyse de cette évolution doit toujours être réalisée selon des axes de communication entre la montagne et la plaine.

À l'est, un littoral varié associe, dans sa partie méridionale, golfes, falaises et plages. Plus au nord, au-delà de Solenzara, lidos, estuaires, dunes et étangs côtiers sont les éléments constitutifs d'une côte linéaire et relativement plate d'où la vue embrasse l'ensemble des massifs montagneux distants de quelques kilomètres.

À l'ouest, des vallées encaissées et boisées sont dominées par les hautes crêtes souvent très proches du rivage. Au contact de la mer, ces vallées s'achèvent en une succession de golfes rocheux et accidentés, mais tapissés de plages de sable à l'embouchure des cours d'eau.

Les paysages corses associent un environnement marin, une végétation sauvage et préservée et des reliefs tourmentés ponctués de villages mis en évidence par leur situation et leur aspect monumental. Empreints d'une beauté sauvage, ces paysages ont été, en grande partie, façonnés par l'homme notamment dans le cadre de l'activité agro-sylvo-pastorale.

Voir le chapitre « L'agriculture en Corse »
 

Au cours de leur évolution la plus récente, le maquis et la forêt ont progressé aux dépens des anciennes terrasses de culture, tandis que l'urbanisation grignotait le littoral. La qualité et la diversité des paysages de la Corse sont les éléments déterminants de l'attractivité qu'elle exerce sur les touristes et pour le bien être des habitants, le caractère de ses villages étant le second critère cité.
 

La montagne

 

Aiguilles de Bavella (J. Dornbusch)

Jusqu'au milieu du XXe siècle, c'est dans la moyenne montagne, entre 400 et 800 mètres d'altitude, que l'action de l'homme sur les paysages s'est exercée de la façon la plus intense. Pour des raisons liées à l'histoire et à la culture, c'est là que vivait la majorité de la population et que se situait l'activité agricole et pastorale qui la faisait vivre. À proximité des villages, les cultures vivrières et les vergers recouvraient les pentes d'innombrables aménagements en terrasses. À chaque village étaient associées des zones de transhumance, en montagne l'été et en plaine l'hiver. Les aménagements pastoraux, très sobres et d'une parfaite exécution, étaient totalement intégrés à leur environnement. C'est à cet espace montagnard que se réfère l'essentiel de la tradition et de l'identité de la Corse.

Les 360 communes que compte la Corse détiennent un remarquable patrimoine d'architecture rurale. La nécessité des temps ayant imposé aux hommes de vivre de façon collective, les espaces publics ont été mis en valeur dans des situations privilégiées : églises et couvents aux façades monumentales et en position dominante, places et placettes, fontaines, mairies, écoles. Partout, même dans les lieux les plus reculés, la maison focalisait l'attention des familles et témoignait de son rang par des éléments nobiliaires. Édifiées avec des matériaux issus du sol, les constructions s'intégraient remarquablement dans le paysage et étaient aussi diversifiées que les roches qui les constituaient.

On observe plusieurs clivages. Le plus apparent tient à la géologie. À la Corse granitique correspond un habitat robuste aux formes simples avec des toits de tuile ronde (les bardeaux de châtaignier ont aujourd'hui disparu). Le schiste autorise, quant à lui, des volumes plus élaborés et des toits de lauze. Mais il existe également un clivage culturel. L'en-deçà des monts, c'est-à-dire la Haute-Corse, ouvert sur l'extérieur, a été fortement influencé par l'architecture italienne et ligure, qu'il s'agisse de la floraison des églises baroques ou de la structure des édifices voûtés sur plusieurs niveaux et agrémentés de volumineuses corniches. Au-delà des monts, qui correspond à la Corse-du-Sud, est resté plus isolé et l'influence italienne sur le bâti y est beaucoup moins sensible.

Au cours du XXe siècle, les villages se sont dépeuplés au profit du littoral, l'agriculture de montagne a régressé. Avec la déprise agro-sylvo-pastorale, l'espace s'est refermé au profit de la forêt et du maquis, faisant disparaître les paysages ruraux traditionnels. Le bâti ancien s'est fortement dégradé en raison de l'exode rural, de l'indivision et de la méconnaissance de sa valeur. Aujourd'hui, cependant, le phénomène de désertification des villages de l'intérieur semble s'être arrêté. Il y a peu d'habitants permanents mais la fréquentation estivale est soutenue. Elle est le fait des insulaires qui regagnent leur maison de famille et des touristes. Le bâti ancien est mieux entretenu. S'il n'a pas souvent été rénové en respectant les savoir-faire et les matériaux traditionnels, la tendance actuelle va vers une meilleure prise en compte de l'importance et de la qualité de ce patrimoine.
 

Le littoral

Les seules villes du littoral étaient des citadelles établies par la République de Gênes dans des positions stratégiques en raison de l'insécurité due aux raids barbaresques qui ont perduré jusqu'au début du XIXe siècle. On ne compte que sept cités véritablement anciennes sur 1 000 km de côte : Ajaccio, Bonifacio, Porto-Vecchio, Bastia, Saint-Florent, Algajola et Calvi (L'Île Rousse et Cargèse ont été fondées au XVIIIe siècle, Propriano au XIXe siècle). Sur le reste du littoral ne se trouvaient que des établissements temporaires, à l'exception notable du Cap Corse tourné vers la mer et mieux défendu.

Aujourd'hui, le littoral accueille l'essentiel de la croissance démographique et de la fréquentation touristique. Les communes y sont devenues des villes. Elles conservent un noyau ancien qui a traversé les rénovations sauvages de l'après-guerre en raison de l'oubli que la Corse a longtemps connu. Elles se développent aujourd'hui par une forte croissance périurbaine assez peu maîtrisée. Sur le littoral, entièrement préservé jusqu'aux années 1960, l'expansion du tourisme balnéaire a fait éclore des zones urbanisées établies sur le territoire de communes dont le chef-lieu se situe loin en amont, sans véritable complémentarité. C'est le domaine du mitage. Cet étalement urbain s'est réalisé de manière anarchique et sans préoccupation esthétique. Il perturbe fortement le paysage des versants littoraux, qui sont souvent en situation de covisibilité des golfes. Il reste encore cependant de vastes espaces préservés objet de multiples convoitises et menacés par des appropriations sauvages que la puissance publique aura à contenir.

 

 

Les outils de connaissance et de suivi des paysages

L'Atlas des paysages de Corse

Le paysage résulte de l'interaction continue entre les facteurs naturels et les activités humaines qui Village de Lama (OEC, J. Salvini) 146 modèlent les territoires. Mais il est également associé à un ensemble de pratiques et d'usages, de valeurs et de représentations sociales. La prise en compte des paysages dans l'aménagement du territoire implique d'en comprendre les structures, d'en saisir les évolutions et les valeurs associées. La construction de cette connaissance est l'objet des atlas de paysages.

Il s'agit d'un outil de connaissance de référence du paysage qui participe à la couverture nationale des paysages de France. Finalisé puis diffusé largement en 2014 auprès des collectivités et maîtres d'œuvre, l'atlas des paysages de la Corse vise à rendre compte de la singularité de chacun des paysages qui composent le territoire en identifiant, qualifiant et caractérisant tous les paysages, qu'il s'agisse de parties de territoire urbaines, périurbaines, rurales ou naturelles, des plus remarquables aux plus dégradées. Il rend également compte de la façon dont il est perçu, a été façonné et évolue, et des enjeux qui y sont associés. Il est disponible sur le site de la DREAL en format pdf ou en métadonnée téléchargeable, à défaut de site dédié.

La révision de l'atlas doit être envisagée à très court terme entre les services de l'État et la Collectivité de Corse.
 

Un Observatoire photographique du paysage

Mis en œuvre dans le cadre de l'Observatoire du développement durable, ce système d'observation intègre des fonds de séries photographiques pour analyser les mécanismes de transformation des espaces ainsi que les rôles des différents acteurs qui en sont la cause de façon à corriger favorablement l'évolution du paysage. Il peut remplir la fonction d'outil d'évaluation des actions paysagères mises en œuvre. Grâce à la reconduction photographique, il permet de mesurer visuellement les évolutions du paysage en inscrivant celui-ci dans la durée. Depuis 2012, trois itinéraires photographiques (point zéro de l'observation des paysages, via la photographie, permettant la comparaison et l'analyse de leur évolution dans le temps) ont été réalisés en Balagne, dans l'extrême Sud et sur le territoire de Bastia sud-Marana.

Plusieurs projets de suivi photographique des paysages du littoral vus depuis la mer visant à mieux appréhender les facteurs d'évolution du littoral et à assurer un suivi dans le temps sont en cours :

  • Le projet de création d'un Observatoire photographique des paysages de Corse a été inclus dans le plan d'actions de la Direction interdépartementale de la Mer Méditerranée, comprenant la Région Corse, PACA et Occitanie.
  • Localement, l'Agence de l'Urbanisme de la Corse avec la Dreal Corse, travaillent à la reconduction d'une mission photographique sur la base de celle réalisée en 2010 (dix mille clichés géoréférencés ont été réalisés lors de la mission Kallisté Péripli).
  • Le parc naturel marin du Cap Corse Agriate travaille aussi à la reconduction d'une mission photographique sur le littoral du parc.
     

Les outils développés dans le cadre de programmes européens

Le projet Lab.net+ PO Maritime, conduit en coopération avec la Sardaigne, la Toscane et la Ligurie, a permis de réaliser six publications sur le thème de la connaissance, de la protection et de la valorisation des paysages, du patrimoine et des identités locales.

La Stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML) et sa déclinaison au niveau de la façade Méditerranée, le document stratégique de façade (DSF) Méditerranée, constituent la réponse nationale aux objectifs européens fixés par deux directives cadre : la directive cadre « stratégie pour le milieu marin » et la directive cadre « planification de l'espace maritime ». Le DSF Méditerranée entend ainsi protéger l'environnement, valoriser le potentiel de l'économie bleue et anticiper / gérer les conflits d'usage. Dans ce cadre, elle vise notamment à fixer des objectifs de conservation des milieux et de l'intégrité paysagère et à évaluer les actions ainsi menées dans les zones de vocation.

Le projet « Accessit », issu du programme opérationnel du Maritime, piloté par la Collectivité territoriale de Corse, a pour objectif la création d'un réseau des itinéraires du patrimoine entre la Corse, la Sardaigne, la Toscane et la Ligurie. Il a permis la création d'outils de communication favorisant l'accessibilité comme le site internet dédié aux sentiers du patrimoine, la mise en place de bornes interactives sur ces sentiers, la réalisation de travaux, la mise en place de formations pour les entreprises et les publics en insertion sur la technique pierre sèche.

Le projet « GRITACESS » porté par la Collectivité de Corse associe 14 partenaires issus des 5 régions de l'espace transfrontalier. Débuté en juin 2018 pour une durée de 3 ans, il regroupe différentes actions pilotes sur les thèmes du patrimoine archéologique et des fortifications, des itinéraires roman et napoléonien ainsi que des musées ethnographiques et de la mer, par le biais d'opérations de restauration, de mise en valeur et d'accessibilité. Il vise au développement de réseaux transfrontaliers de sites culturels et à la gestion intégrée du patrimoine culturel. Les participants ont déjà collaboré dans le cadre de la précédente programmation du programme Maritime.

L'objectif de ce nouveau partenariat est de construire un dispositif de mise en tourisme de ce Grand Itinéraire Tyrrhénien créé lors de la programmation 2007-2013, en majeure partie via le projet « ACCESSIT », de développer des actions d'accessibilité (physiques et immatérielles) au patrimoine et à la culture à tous les publics, notamment l'accueil des personnes porteuses de handicaps, et de valoriser économiquement un potentiel sur lequel repose l'identité des territoires. Trois objectifs spécifiques seront poursuivis :

  • l'organisation d'un modèle innovant de gouvernance, qui permette de déboucher sur un accord entre les régions afin de pérenniser le dispositif de gestion du Grand Itinéraire Tyrrhénien Accessible ;
  • la diffusion et le transfert de connaissances entre les groupes sociaux pour développer des actions publiques qui contribueront à élargir le réseau des partenaires ;
  • l'augmentation du nombre de partenaires et de points d'accès référencés, répondant aux principes qu'entend développer le partenariat, pour parvenir à la formalisation d'une offre de tourisme durable et culturel.
     

Des fiches techniques

Des fiches techniques sur les savoirs traditionnels dans l'utilisation de la pierre sèche et de la chaux et l'identification des matériaux sont réalisées et éditées par l'Office de l'environnement (menées en collaboration avec l'école d'Avignon pour les techniques à la chaux avec des partenaires européens pour les techniques pierre sèche et des partenaires nationaux dont le BRGM). Le syndicat mixte du pays de Balagne a mis en œuvre sur son territoire des formations qualifiantes liées aux constructions de pierre sèche et à l'emploi de la chaux.

 

 

Les dispositifs de protection, de gestion et d'aménagement du paysage

Les objectifs de qualité paysagère

Pour mener véritablement des « politiques de paysage » au sens de la Convention européenne du paysage, c'est-à-dire « formuler des principes généraux, des stratégies et des orientations » en matière de paysage, la France a traduit dans son droit interne le concept des « objectifs de qualité paysagère ». Il est issu du traité européen et défini comme « la formulation par les autorités publiques compétentes, pour un paysage donné, des aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie ».

Formuler des « objectifs de qualité paysagère » permet de comprendre comment le paysage évolue dans le temps et de réfléchir de manière concertée à son évolution. Les objectifs de qualité paysagère constituent des orientations stratégiques et spatialisées, qu'une autorité publique se fixe en matière de protection, de gestion ou d'aménagement de ses paysages. Énoncés et portés par cette autorité publique, à l'issue d'une large concertation, ils visent à faciliter l'émergence d'un projet de territoire partagé, et à orienter la définition et la mise en œuvre ultérieure des projets au sein du territoire considéré.

Cette démarche vise à appréhender de manière positive le devenir des paysages dès lors que s'élabore une stratégie sur ce territoire. Cette action vise en particulier : les schémas de cohérence territoriale (ScoT), les plans locaux d'urbanisme (PLU), la Charte du Parc naturel régional de Corse et les plans de paysage. Ces outils sont complémentaires pour assurer une prise en compte active des paysages dans la définition des projets de territoire. Les SCoT et les chartes de PNR traduisent le projet stratégique d'un territoire. Ils sont donc des documents pivots pour la formulation des « objectifs de qualité paysagère ».

La prise en compte des paysages dans les documents d'urbanisme, inscrite dans la Loi, implique une approche concrète et opérationnelle qui ne se limite pas à la préservation des paysages remarquables mais nécessite la formulation d'objectifs de qualité paysagère à l'ensemble des paysages, notamment les paysages du quotidien et les paysages dégradés.

Les objectifs de qualité paysagère doivent être formulés dans tous les documents d'urbanisme dès le Projet d'aménagement et de développement durable (PADD). Ils sont fixés par l'autorité publique. Il revient aux pouvoirs publics concernés, élus, organismes d'aménagement et de développement, agences d'urbanisme, Parc naturel régional de Corse... et aux services de l'État de veiller à leur élaboration en s'assurant notamment de la coopération effective d'une compétence de paysagiste-concepteur et en s'appuyant sur une large concertation.

Les objectifs de qualité paysagère peuvent relever de la protection, de la gestion et/ou de l'aménagement des paysages. Ils peuvent notamment porter sur la requalification des paysages dévalorisés par des réseaux aériens et la publicité, ainsi que sur des conditions d'accès du public au paysage : sentiers, 148 voies vertes, préservation de points de vue, etc. La qualité des paysages de demain dépend de la qualité des décideurs, des concepteurs et des aspirations des populations.

Les objectifs de qualité paysagère, comme socle du projet de paysage, se déclinent à toutes échelles (du panorama grandiose des routes corses à la clôture de lotissement, paysages déclinés du général au particulier en ne négligeant pas d'exprimer l'histoire commune qui se dégage de projet en projet) et se définissent à la croisée des données naturelles et humaines tant dans leurs dimensions historique que géographique (d'où l'importance d'initier une démarche d'études préalables pour recueillir, analyser les données et en tirer les conclusions traduites dans les objectifs de qualité paysagère). Ils constituent un moyen d'améliorer le cadre de vie de toutes les populations vivant sur le territoire grâce à des démarches de prises de décisions participatives de tous les utilisateurs et acteurs d'un territoire et doivent se déployer sur les territoires les plus remarquables mais aussi sur les paysages du quotidien (entrées de ville commerciales, comme Bastia ; zones périphériques de stations balnéaires dégradées par le stockage de bateaux (Saint Florent) ; secteur agricole banalisé de la plaine orientale ; etc.).

Ces objectifs de qualité paysagère pourraient concrètement être déclinés et en concourant collectivement à la mise en œuvre de la Charte du PNR sur son périmètre, en sensibilisant au paysage dès le plus jeune âge dans les écoles (journées d'informations, sorties pédagogiques sur le paysage), en associant à chaque PADD un plan de paysage à l'échelle du territoire pour faciliter la concertation, en imposant des règlements ou chartes paysagères associés à des permis d'aménager, ou encore en veillant à la présence et à la qualité des volets paysagers de permis de construire.

Les thèmes majeurs à aborder en Corse sont la qualité de l'insertion des routes, les plantations des bas-côtés, les récupérations des eaux, les ouvertures des vues, la préservation de la végétation existante, la qualité des enrochements en harmonie avec le site, la qualité des plantations arbustives et arborées dans les zones urbanisées, la restauration du bâti et la limitation des extensions, l'insertion dans la topographie, le photovoltaïque, l'éolien, les déplacements doux, les carrières, les lotissements, les zones d'activités économiques, les activités agro-sylvo-pastorales, la défense passive contre les incendies, l'érosion littorale, la gestion des îlots de chaleur...

La protection des paysages, du cadre de vie et du patrimoine

Les sites classés

Les protections (DREAL)

Tous les travaux susceptibles de modifier ou détruire l'état ou l'aspect des lieux sont interdits, sauf autorisation expresse ministérielle après avis du Conseil des sites de la Corse et éventuellement de la commission supérieure des sites et paysages.

Ce sont principalement de grands espaces naturels littoraux qui couvrent plus de 42 000 ha : golfes, falaises, versants, îlots, presqu'îles et étangs, intérieur des vallées, forêts et massifs montagneux. Les sites classés bâtis sont très limités en nombre et en superficie 17 ha et concernent principalement des villages très typiques.

Treize sites sont classés en Corse-du-Sud et onze sites en Haute-Corse. Le village de Penta-di-Casinca est le seul village classé de Corse. Un sentier du patrimoine s'intégrant dans le réseau des sentiers du patrimoine que pilote l'OEC a été récemment ouvert au public.

Des projets de classement et d'extensions de sites sont à l'étude : classement des vallées de Porto et Aïtone en Corse-du-Sud et classement en voie de finalisation des 2 sites des Capi d'Occi et de Bracajo et de la Haute vallée du Fangu, comprenant la route forestière de Caprunale et la Capu Tafunatu en Haute-Corse.
 

Les sites inscrits

L'inscription concerne des sites méritant d'être protégés mais ne présentant pas un intérêt suffisant pour justifier leur classement. Tout comme pour les sites classés les campings et l'installation de caravanes y sont interdits mais des dérogations existent (art. R. 111 -33 et R.111-48 du code de l'Urbanisme)

Les démolitions sont soumises à un avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France.

En 2010, la compétence pour l'inscription de nouveaux sites est transférée à la Collectivité de Corse (CDC) qui après avoir réalisé un bilan a décidé de ne pas modifier leurs périmètres.

En 2016, un inventaire des tours génoises sur la frange littorale, éléments emblématiques des paysages de Corse, est réalisé conjointement entre DRAC, DREAL, CDC et Conservatoire du littoral.

Les sites inscrits sont au nombre de dix en Corse-du-Sud et quatorze en Haute-Corse (55 000 ha).
 

Les sites patrimoniaux remarquables

Le dispositif des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), remplacées par les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), ainsi que les secteurs sauvegardés, sont des dispositifs remplacés aujourd'hui à leur tour par des « sites patrimoniaux remarquables » (SPR) par la loi relative à la liberté de la création, de l'architecture et du patrimoine (LCAP) n° 2016-925 du 7 juillet 2016.

Avec ce nouveau dispositif, la loi fusionne les procédures de protection du patrimoine urbain et paysager existantes dans un nouvel outil de protection et de valorisation.
Les sites patrimoniaux remarquables sont ou seront couverts par des outils de planification adaptés : plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ou plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine (PVAP) permettant ainsi d'assurer la prise en compte du patrimoine dans les politiques urbaines, de requalifier les quartiers anciens dégradés, de soutenir le commerce et de favoriser la mixité sociale.

Des dispositions transitoires prévoient que les règlements actuels continuent de produire leur effet jusqu'à leur transformation en PSMV ou en PVAP. Pour les ZPPAUP en cours de transformation en AVAP ou les AVAP mises à l'étude pour lesquelles la délibération a été passé au conseil municipal avant la promulgation de la loi, les dossiers sont instruits puis approuvés conformément aux articles L. 642-1 à L. 642-10 du Code du patrimoine, dans leur rédaction antérieure à la loi LCAP. 

En Corse-du-Sud, trois communes ont un SPR approuvé :

  • Ajaccio : Transformation de la ZPPAUP en AVAP avec un PVAP.
  • Bonifacio : ZPPAUP existante depuis 2010, une délimitation de SPR a été validée Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) en décembre 2020 avec une proposition d'un secteur sauvegardé.
  • Forciolo : SPR depuis 2016 approuvé avec un PVAP,

deux SPR en cours d'étude :

  • Sartène : étude de délimitation d'un SPR en cours
  • Ota : étude de délimitation d'un SPR en cours,

et deux souhaitent engager la procédure : Porto-Vecchio et Sainte- Lucie-de-Tallano.

En Haute-Corse, quatre communes disposent d'un site patrimonial remarquable. En 2020, le règlement d'AVAP est applicable pour Bastia, Corbara et Lama ; Speloncato (ancienne ZPPAUP) doit encore finaliser la procédure. La commune de Pigna a, quant à elle, entamé la procédure.
 

Les monuments historiques et leurs abords

Menhir, site de Filitosa (J. Dornbusch)

329 monuments sont protégés sur l'ensemble de la Corse au titre du Code du patrimoine.

Concernant les régimes de protection des abords de monuments historiques, la loi LCAP prévoit de remplacer progressivement sur proposition de l'architecte des Bâtiments de France les périmètres automatiques de 500 mètres autour des monuments historiques par des périmètres délimités des abords spécifiques à chaque monument, plus adaptés à la réalité et aux enjeux de terrain. La règle de « co-visibilité » ne s'appliquera plus dans les périmètres délimités des abords, qui seront intégralement protégés.

À défaut de périmètre délimité, les périmètres automatiques de 500 mètres seront intégralement maintenus ainsi que la règle de « co-visibilité ».
 

Les allées et alignements d'arbres bordant les voies de communication

L'abattage des allées et alignements d'arbres qui bordent les voies de communication est désormais interdit sauf situations particulières démontrées. Cependant, des dérogations, devant donner lieu à des mesures compensatoires locales, peuvent être accordées pour les besoins de projets de construction (Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages).
 

Les politiques publiques foncières d'acquisitions du Conservatoire du littoral

Avec 20 000 ha acquis, les 70 sites du Conservatoire du littoral constituent une véritable infrastructure verte à l'échelle de l'ensemble de l'île. Ce domaine protégé comprend à la fois de très vastes sites sur un grand linéaire côtier, comme l'Agriate (5 800 ha - 35 km de côte), le littoral sartenais (2 500 ha - 25 km de côte), le littoral bonifacien (2 000 ha - 15 km de côte), des étangs et leurs abords (Urbinu-Pinia 1 051 ha, Palu-Gradugine 304 ha, Santa Ghjulia 385 ha), de plus petits sites notamment en arrière de plages très prisées et des coupures d'urbanisation stratégiques notamment en Balagne et au sud de Bastia. Le Conservatoire intervient aussi ponctuellement sur le domaine public maritime (DPM) avec 485 ha déjà attribués, notamment dans l'Agriate et sur le cordon lagunaire de la Marana.

 

 

  Classé Inscrit Inscrit et Classé Monuments
Corse-du-Sud 48 77 4 129
Haute-Corse 79 110 11 200
Corse 127 187 15 329

 Tableau 21 : Nombre de monuments historiques (DRAC)

 

 

La gestion

Le littoral

 Figure 37 : Terrains du Conservatoire du Littoral (2019)

Les sites acquis par le Conservatoire du Littoral font l'objet d'opérations d'aménagement et de mise en valeur qui portent sur la restauration écologique et paysagère des espaces naturels, l'organisation de l'accueil du public avec l'aménagement d'espaces de stationnement intégrés au paysage en retrait du rivage, la création de sentiers de découverte et d'accès au littoral, la mise en valeur du patrimoine culturel (phares, chapelles, ancien bâti militaire, tours génoises, petit patrimoine rural), l'aménagement d'espaces muséographiques, d'interprétation du patrimoine et d'information du public, l'accueil d'activités agricoles, etc.

Parmi les opérations emblématiques, citons l'aménagement de la plage du Ricanto près de l'aéroport d'Ajaccio avec la restauration écologique de la lande et la création de la grande promenade récemment rénovée ; l'aménagement d'un refuge dans l'ancien phare de Senetosa à Sartène avec 30 km de boucles de sentier ; l'aménagement de l'arrière plage de Losari avec la relocalisation de deux paillotes et la création d'une maison de site ; la restauration écologique du site de Capu Laurosu à Propriano menée conjointement avec la CDC qui rénove en même temps la route qui longe le site ; l'aménagement des baies du Lotu et de Saleccia dans l'Agriate avec la création d'un ponton d'accostage des bateliers et la gestion de la fréquentation nautique ; la restauration de plusieurs tours génoises et actuellement la restauration du fortin de Girolata qui bénéficie d'un important financement du PEI.

Les projets sont conçus en étroite collaboration avec les acteurs locaux et en premier lieu les communes mais aussi sur certains projets avec la Collectivité de Corse ou les CCI (Abords de l'aéroport d'Ajaccio ou du port de l'IIe Rousse). Ils sont aussi le fruit d'un travail patient et de longue haleine de l'acquisition foncière à la conception et à la réalisation des travaux parfois en plusieurs phases.

L'intervention du Conservatoire permet de protéger de façon irréversible les espaces naturels ainsi soustraits à l'urbanisation et/ou à des usages anarchiques et destructeurs pour les paysages, la biodiversité et la fonctionnalité des écosystèmes. Les sites acquis, réhabilités, valorisés, ouverts au public et gérés contribuent au bien-être de la population qui vient s'y ressourcer et s'adonner aux loisirs de plein air dans un cadre naturel préservé et sécurisé. Ils contribuent aussi à l'attractivité touristique des territoires en préservant des paysages, pour certains emblématiques de la Corse, et en offrant au public une diversité de lieux et d'équipements à découvrir, aménagés et gérés à cette fin.

La maîtrise foncière publique et l'aménagement doivent nécessairement s'accompagner de la gestion. Les gardes du littoral assurent ce rôle essentiel. Ils font vivre les sites, les entretiennent, les surveillent et assurent le contact avec ceux qui le fréquentent. La Collectivité de Corse gère les sites, soit directement avec ses équipes de gardes, soit en en déléguant la gestion, comme dans l'extrême Sud avec l'Office de l'Environnement de la Corse, le Sartenais avec le Syndicat Intercommunal Elisa ou à Losari avec la commune de Belgodère.

 

Les forêts publiques de Corse

Voir les chapitres « Ressources forestières » et « Risques naturels »

Le Schéma régional d'aménagement (SRA) des forêts publiques de Corse (150 000 ha) est le document cadre pour la rédaction des aménagements forestiers (plan de gestion durable des forêts publiques). Il prévoit la prise en compte des paysages dans les enjeux de gestion forestière, de même que le plan de protection des forêts et des espaces naturels contre les incendies pour la région corse (PPFENI), notamment dans le cadre de la création des ouvrages types zones d'appui à la lutte (ZAL) ou encore dans le cadre du développement des activités agro-sylvo-pastorales.

 

Le patrimoine mondial de l'Unesco

Voir la carte « La protection des paysages »

Le site classé des golfes de Porto, Girolata et Scandola et des Calanche de Piana est inscrit depuis 1983 sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en qualité de bien naturel, bien présentant une valeur universelle exceptionnelle. Ce site présente un paysage naturel exceptionnel qui conjugue la beauté majestueuse du panorama et la présence d'écosystèmes terrestres et marins d'une rare richesse. La beauté sauvage du paysage résulte de la conjonction de la grande diversité géologique et géomorphologiques des roches, l'originalité de leur mise en place, leur différence de résistance vis-à-vis des agents d'érosion, alliée aux contrastes de couleur saisissants du bleu cobalt de la mer, du bleu du ciel, et des rouges incandescents des roches et de la terre.

La zone marine est l'un des points de Méditerranée les plus proches de l'équilibre naturel. Elle est, à ce titre, un lieu de référence.

La reconnaissance de ce patrimoine implique une obligation de maintien dans le temps de l'intégrité des éléments qualitatifs à l'origine de son inscription.

Depuis novembre 2019, une seule entité assure l'ensemble de la gestion du bien : l'Office de l'Environnement de la Corse. Cette clarification de la gouvernance du bien a permis de lancer des projets et facilite la concertation des différents acteurs et la gestion des conflits d'usage. Pour réfléchir à la mise en place d'une stratégie de tourisme durable l'OEC s'est engagé à réaliser une étude fine de la fréquentation du site pour la mise en place d'un futur observatoire et à l'élaboration du plan de gestion du site.

 

Les opérations « Grand Site »

Voir la carte « La protection des paysages » 

Les opérations « Grand Site » (OGS) ont été proposées par l'État aux collectivités locales pour réhabiliter et entretenir des sites classés de grande notoriété soumis à une forte fréquentation touristique. Dès lors qu'il existe une volonté locale et un consensus entre les collectivités concernées, une réflexion peut s'engager pour mettre en œuvre un plan de gestion qui réhabilite le site et maîtrise l'activité touristique.

Les aménagements et le programme d'actions de ces opérations sont autorisés par le ministre de l'Environnement au titre de la loi de 1930 après avis du Conseil des sites et de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages. Ils sont financés par des crédits de l'État, des collectivités et le cas échéant des fonds européens. La réalisation d'une telle opération et la qualité de sa gestion, permettent, à terme, de solliciter le label « Grand Site de France » attribué par le ministre de l'Environnement pour une durée de 6 ans. Ce label a été introduit à l'article L 341-15-1 du Code de l'environnement par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

1/ En Corse-du-Sud, plusieurs Opérations Grands Sites sont en cours :

  • À Ajaccio, pour le Grand Site « Sanguinaires-Parata » la démarche OGS a débuté en 2001, avec d'importants travaux d'aménagements qui ont été achevés en avril 2011. Le 11 Février 2016 un arrêté porte la création du Syndicat Mixte des îles Sanguinaires et de la pointe de la Parata. Ce dernier s'engage dans une démarche de labellisation « Grand Site de France ». Le 22 Mars 2017 le Grand Site obtient le label pour 6 ans.
  • Suite à la venue du président de la République en février 2018, la commune de Bonifacio s'engage dans une démarche OGS. Le site de Bonifacio remplit les critères d'éligibilité pour entreprendre une démarche OGS : il dispose d'un site inscrit et de quatre sites classés au titre de la loi du 02 mai 1930 (1400 ha environ) de grande notoriété ; il est très fréquenté avec un quart de la fréquentation estivale de l'île qui visite le site. Cela représente environ 2 millions de visiteurs par an. La commune fait donc face à des enjeux importants de gestion avec la préservation du paysage, de l'esprit des lieux du site, et l'acceptation locale. Ainsi, le 27 novembre 2018, la CSSPP approuve la candidature de la commune à la démarche, cette dernière étant désignée gestionnaire du Grand Site. La commune est aujourd'hui en phase d'étude et d'élaboration du programme d'actions de l'OGS. Elle travaille activement, en cette fin d'année 2020, à l'élaboration du diagnostic du territoire pour définir l'esprit des lieux du Grand Site.
  • Le site des « aiguilles et du col de Bavella » a été classé en 1954. Dès 1991, les services de l'État et collectivités locales ont mis en évidence les enjeux de préservation du paysage impactés par la fréquentation du site. En 2002 la communauté de commune de l'Alta Rocca s'est engagée dans une première démarche OGS mais du fait de causes multiples, cette démarche n'a pas pu aboutir. En 2018, La communauté de commune a souhaité relancer sa démarche OGS. Elle en est à la phase de candidature, c'est à dire la rédaction de la note argumentaire à présenter au ministère pour justifier la démarche et obtenir un engagement officiel dans l'opération.

zzz_img Falaises de Bonifacio (OEC, O. Bonnenfant)

2/ En Haute-Corse :

  • Un projet est en cours sur le site de la vallée de la Restonica. Après une phase d'étude, un programme de travaux a été validé et mis en œuvre par la municipalité de Corte.
  • La démarche de labellisation « Grand Site de France » du site « Conca d'Oru et vignoble de Patrimonio » a abouti en mars 2017 après une évaluation locale et nationale des actions menées sur le territoire de Conca d'Oru - Vignoble de Patrimonio - Golfe de St-Florent. La gestion du Grand Site et du label, ainsi que la mise en œuvre opérationnelle du projet de territoire qui lui est intimement lié, sont désormais assurés par le Syndicat mixte du Grand Site de Conca d'Oru, vignoble de Patrimonio - golfe de Saint-Florent constitué des partenaires institutionnels suivants : Collectivité de Corse, Communauté de communes du Nebbiu - Conca d'Oru, Communes de Barbaggio, Farinole, Oletta, Patrimonio, Poggio d'Oletta, et Saint-Florent.

 

 

L'aménagement

Le PADDUC

Voir le chapitre « Logement et urbanisation durables »

Le Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) porte la stratégie de la Collectivité territoriale de Corse. Il a été approuvé par l'Assemblée de Corse le 2 octobre 2015, au terme d'une démarche de co-construction ayant débuté en 2010 et impliquant l'ensemble des acteurs régionaux. Le PADDUC est un projet de société à l'horizon 2040. C'est, en premier lieu, un document d'aménagement qui est organisé autour d'un projet spatial régional. C'est aussi un document d'urbanisme qui participe à l'application du droit des sols à travers des orientations réglementaires. C'est ensuite un document opérationnel qui propose les moyens de sa mise en œuvre par une programmation, des partenariats et des modes de faire. C'est enfin un document anticipateur qui évalue les incidences prévisibles du projet d'aménagement sur l'environnement et propose les ajustements afin de les éviter, les réduire et, si ce n'est pas possible, de les compenser.

Composé de cinq livrets, d'une synthèse, de neuf annexes, ainsi que de cartes, le PADDUC, encadré par la loi du 5 décembre 2011, est donc un document de planification régionale, désormais opposable, qui a la portée des anciennes directives territoriales d'aménagement. En ce sens, son adoption met en évidence une volonté politique forte d'encadrer et d'anticiper de manière décentralisée les questions du développement et de l'aménagement par un plan au service de l'intérêt général. Il comprend notamment la stratégie afférente aux énergies renouvelables (EnR), en particulier l'éolien et le photovoltaïque, et par conséquent la conciliation des enjeux en matière d'énergie, de paysage et de changement climatique. Il comprend également la liste exhaustive des espaces remarquables et caractéristiques du littoral (ERC), issus de l'atlas du littoral, à préserver dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques, ou présentent un intérêt écologique.

 

Vers un critère « paysage » des projets, plans et programmes

La prise en compte effective du paysage est un critère d'éligibilité des projets au Contrat de plan État + Région (CPER) 2015-2020. Ce critère est notamment fondé sur la Convention européenne du paysage et sa déclinaison en droit national, notamment sur la définition d'objectifs de qualité paysagère étendus à tout le territoire. L'éligibilité de tout projet d'aménagement au CPER implique la nécessité d'intégrer des objectifs de qualité paysagère. Cette exigence de qualité paysagère se décline en trois conditions :

  • l'analyse correcte des problématiques et des enjeux paysagers ;
  • la conception d'une composition paysagère assurant l'insertion adéquate du projet ;
  • la prise en compte effective des enjeux de paysage, la définition de mesures compensatoires à l'échelle des impacts.

Ainsi, la composante « paysage » des projets ne doit pas être un simple « volet » (plus ou moins accessoire) mais une composante intrinsèque du projet. Tout projet d'envergure sera réalisé par une composante avérée de paysagiste-concepteur. Une note « paysage » est nécessairement produite. Cette note synthétise la démarche, démontre que le projet est correctement intégré au paysage, surtout selon les deux composantes essentielles, géomorphologie et végétation, et contient notamment plusieurs photomontages.

 

Les Schémas régionaux

Le schéma régional des carrières (SRC)

Voir le chapitre « Les ressources en matériaux »

 

Le schéma régional de l'éolien (SRE)

Le schéma régional Climat Air Énergie de la Corse comprend un schéma régional de l'éolien (SRE) dont l'objectif est de définir des zones favorables au développement de l'éolien en conciliant objectifs énergétiques et enjeux environnementaux. En effet, de façon générale, trois impacts négatifs principaux sont à considérer quant au fonctionnement et à l'implantation des parcs éoliens : des impacts acoustiques, des impacts sur la faune volante et des impacts sur les paysages et les patrimoines, qu'il convient par conséquent d'éviter, de réduire et/ou de compenser selon une doctrine constante.

 

Les leviers offerts par les codes de l'urbanisme et de l'environnement

Voir le chapitre « Logement et urbanisation » pour l'état d'avancement des documents d'urbanisme

"Les paysages font partie du patrimoine commun de la nation. Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable (article L110-1 du code de l'environnement). Repris par le code de l'urbanisme, l'article L101-2 précise que « dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre », particulièrement, « les objectifs de : qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de ville, et la protection des milieux naturels et des paysages ».

A ce titre, le code de l'urbanisme prévoit notamment que :

  • L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. Dans les secteurs déjà urbanisés, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage.
  • Le projet peut être refusé ou accepté sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales.
  • Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.

En outre, les documents d'urbanisme (plans locaux d'urbanisme (PLU) communaux ou intercommunaux, cartes communales, règlement national d'urbanisme, SCoT) ont, depuis la loi Paysage, l'obligation de prendre en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leur évolution. Les PLU offrent également la possibilité d'inscrire des règles de préservation de structures paysagères comme la préservation de cônes de vue, la protection d'éléments du paysage... Les PLU sont par ailleurs soumis à une évaluation environnementale stratégique (R122-27 du code de l'environnement) et une analyse fine portée au paysage est réalisée dans ce cadre.

Quant au code de l'environnement, celui-ci prévoit notamment que :

  • Les projets d'aménagements listés au R.122-2 du code de l'environnement doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale comportant un volet paysager.
  • Un parc naturel régional a pour objet premier de protéger les paysages et le patrimoine naturel et culturel, notamment par une gestion adaptée (R333-1).
  • Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect.
  • Les trames vertes et bleues contribuent à améliorer la qualité et la diversité des paysages.
  • La réglementation applicable à l'affichage publicitaire, aux enseignes et aux pré-enseignes s'inscrit dans un double objectif de protection de la qualité du cadre de vie et de liberté d'affichage.
     

Le règlement local de publicité (RLP)

Instrument de planification communal (RLP) ou intercommunal (RLPi), le règlement local de publicité fixe, dans des zones définies, des règles plus restrictives que la réglementation nationale pour limiter et contrôler les dispositifs publicitaires (publicités, enseignes et pré-enseignes) en application de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010. En présence d'un RLP, c'est au maire uniquement (et non au préfet de département) que reviennent les compétences d'instruction de dossier et de police.

En Haute-Corse, la commune de Bastia s'est dotée d'un RLP dès 1996, qui sera caduc en 2021 faute de révision.

En Corse-du-Sud, la commune d'Ajaccio dispose d'un RLP exécutoire depuis juin 2011, celle de Porto-Vecchio est en cours d'adoption de son RLP.

 

Les plans de paysage

Pilotés par des collectivités territoriales et pouvant être élaborés par une association, les plans de paysage ne possèdent pas de valeur réglementaire. Ils invitent à repenser l'aménagement du territoire (urbanisme, transports, infrastructures, énergies renouvelables, agriculture) en remettant le paysage au cœur du processus. À l'échelle opérationnelle du bassin de vie, le plan de paysage comprend un diagnostic des paysages et de leurs dynamiques, la formulation d'objectifs de qualité paysagère et un programme d'actions sous forme d'un projet de territoire. Des appels à projets sont initiés par l'État tous les ans depuis 2017, avec un volet dédié aux plans de paysage généralistes et un volet dédié aux énergies renouvelables (en lien avec l'ADEME, pour des projets éoliens notamment).

L'ensemble des lauréats pour la Corse relève des plans de paysage dits généralistes.

En 2019, ont été déclarés lauréats :

  • la commune d'Evisa (2A) sur le thème "paysages de la vallée d'Aïtone-Spelunca : valoriser les paysages traditionnels pour reconquérir notre territoire de montagne" ;
  • l'association « U Sbirru » pour les 4 communes du Giussani : Pioggiola, Mausoleo, Olmi Capella et Vallica (2B), sur le thème des "paysage et culture du feu intégrés au développement du territoire" ;
  • la communauté de communes du Fium'Orbu Castellu, composée de 13 communes : Chisà, Ventiseri, Prunelli di Fium'Orbu, Ghisonaccia, San Gavinu du Fium'Orbu, Isulacciu di Fium'Orbu, Serra di Fium'Orbu, Ghisoni, Poggio di Nazza, Lugo di Nazza, Vezzani, Pietroso et Solaro, autour de thèmes tels que l'urbanisation et l'identité agricole notamment (2B) ;
  • en 2020, la communauté de communes de Castagniccia-Casinca a été déclarée lauréate avec son projet de territoire intitulé "Terre d'histoire, mosaïque de paysages".
     

Les chartes paysagères et architecturales

Contrairement à d'autres dispositifs d'étude et de protection des paysages et du patrimoine, la charte architecturale et paysagère n'a pas de vocation réglementaire : elle n'est pas opposable aux tiers. L'enjeu est dans la sensibilisation, la pédagogie et la participation. Il s'agit en effet d'une démarche volontaire et globale de gestion du paysage, de l'architecture et de la maîtrise de l'occupation de l'espace à une échelle intercommunale. L'élaboration de la charte implique une réflexion sur le devenir des paysages et des villages tout en tenant compte de l'existant. Ce projet ne se définit pas sans référence à l'histoire et à la culture locale. Le paysage et l'architecture sont la résultante de l'activité humaine. Économie, agriculture, habitat influencent les paysages naturels et urbanisés tout autant que la géographie, la géologie, le climat, l'histoire...

Trois chartes paysagères et architecturales sont en vigueur : Balagne, du Cap Corse (Haute-Corse) et de Peri (Corse-du-Sud).
 

Les comités de la téléphonie mobile 

(DREAL SBEP)

Les comités départementaux de concertation pour l'implantation d'équipements de radiotéléphonie mobile en Corse étaient institués en 2000 afin de favoriser le regroupement des antennes des différents opérateurs et optimiser l'intégration paysagère des installations.

Depuis l'accord New Deal de 2018 entre les opérateurs de téléphonie mobile et l'État (ARCEP), et la multiplication des déploiements des infrastructures, ces comités départementaux ont fusionné en un comité technique régional au service du comité de pilotage régional, copiloté par l'État (SGAC) et la Collectivité de Corse. Ce comité technique vise ainsi à alerter, très en amont au stade de la définition des zones à couvrir, de l'ensemble des enjeux en présence, et particulièrement des enjeux pour le paysage et la biodiversité des projets d'infrastructures nouvelles.

Des comités ad hoc pour les sites sont également mis en œuvre afin de prendre en compte les enjeux ayant présidé au classement de ces sites.

Une Charte portant engagement des opérateurs pour une insertion des dispositifs dans l'environnement en Corse est actuellement en cours d'élaboration. 

 

Les guides de recommandations

Des guides visant à donner des recommandations existent : travaux routiers en sites classés (DREAL, 2016), charte portant sur les aménagements des établissements en bord de mer (DRAC), charte pour les concessions de plage, pour les hangars photovoltaïques, cahiers issus des chartes paysagères et architecturales, etc.

 

 

 

Tableau de synthèse

  • Caractéristiques principales
  •  Qualité, beauté et diversité des paysages et du patrimoine bâti.
  •   Existence de sites remarquables de renommée internationale.
  •  Politique d’acquisition de terrains par le Conservatoire du littoral.
  •   Existence d’un PADDUC approuvé.
  •  Existence de RLP approuvés.
  •  Existence d’un atlas des paysages, de plans de paysage et de chartes paysagères et architecturales.
  •   Existence d’un observatoire photographique du paysage au sein de l’Observatoire du développement durable.
  •  Mise en oeuvre du schéma d’aménagement des forêts publiques.
  •   Existence de fiches techniques pour la restauration du patrimoine bâti à l'OEC.
  •  Insuffisance de gestion planifiée des sites remarquables face à une fréquentation importante.
  •   Délimitation incomplète du domaine public maritime.
  •  Insuffisance de la protection des sites inscrits.
  •   Trop faible protection du patrimoine historique et architectural.
  •  Absence (plans de sauvegarde et de mise en valeur) et insuffisance (plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine) de sites patrimoniaux remarquables.
  •   Insuffisance de la politique d’enfouissement des réseaux électriques et téléphoniques.
  • Tendances évolutives
  •   Mise en conformité progressive des documents d’urbanisme au PADDUC.
  •  Mise en place des documents d’urbanisme dans certaines communes littorales et de SCoT dans le cadre d’intercommunalités
  •   Mise en oeuvre des opérations « Grand Site » et labellisation « Grand Site de France ».
  •  Participation de la Corse à des programmes européens sur la valorisation du patrimoine.
  •   Mise en place d’actions de sensibilisation et de formation des publics au paysage et au patrimoine.
  •   Structuration d’un réseau territorial des sentiers du patrimoine.
  •  Faible couverture du territoire par les documents d’urbanisme.
  •  Étalement urbain.
  •   Urbanisation et occupation sauvages des plages et arrière-plages.
  •  Occupation sauvage des zones d’estive et de montagne, y compris des forêts domaniales.
  •   Déprise agro-sylvo-pastorale.
  •  Déploiement rapide des antennes radiotéléphoniques dans le cadre du NEW DEAL.
  •   Développement croissant des parcs et hangars photovoltaïques (en particulier en loi Montagne où l’obligation d’un passage en conseil des sites n’est pas requise).

 

  Point positif ou évolution favorable  Point négatif ou évolution défavorable

 

 

Cet article provient du site de Observatoire du Développement Durable de Corse
http://www.oddc.fr