Un foncier difficilement mobilisable

L’installation d’agriculteurs constitue un enjeu majeur du secteur agricole. Elle est fortement pénalisée par un accès au foncier de plus en plus difficile :

  • conflits d’intérêts et spéculation foncière en zone péri-urbaine ;
  • morcellement, déficit de titres de propriétés et indivision en zone rurale profonde ;
  • étalement urbain qui réduit les espaces cultivables, déjà peu représentés en Corse, et les fragmente accélérant ainsi la déprise.

La pression d’urbanisation s’exerce en Corse sur les rares terres profondes et peu pentues dans les zones péri-urbaines, dans les plaines et les vallées. Les effets indirects de l’urbanisation sur l’agriculture sont nombreux et ont un impact probablement bien plus fort que la seule consommation des espaces agricoles (pression spéculative, refus d’octroi des baux agricoles, droits d’exploiter tacites sous réserve de ne pas déclarer à la PAC, etc.). Les zones périphériques d’Ajaccio et de Bastia ainsi que les zones littorales sont particulièrement touchées par le phénomène. Les cultures pérennes (vignes, oliveraies, vergers) y sont un peu moins sensibles que les prairies.

À l’inverse de ce qui se passe sur le littoral ou en périphérie des villes, voire des villages, un accès juridiquement sûr aux terrains agricoles de l’intérieur est rendu difficile par leur trop faible valeur. En effet, compte-tenu des moyens qu’il faut mettre en oeuvre pour résoudre les indivisions, les héritages, les difficultés de mutation propres aux biens non délimités, le « désordre » foncier perdure et les exploitants sont contraints d’exercer leur activité sans droit juridiquement établi sur les terrains qu’ils exploitent.

L’achat du minimum de terrain nécessaire à l’édification d’un bâtiment d’élevage permettant une capitalisation minimale est souvent difficile dans ces conditions. L’absence d’investissement même réduit sur les terrains (clôtures, points d’eau, etc.) maintiens les valeurs agricoles et par là leur prix à des niveaux trop faibles pour inciter les propriétaires à la reconstitution des titres de propriété. Il en résulte une insécurité juridique forte pour les éleveurs de montagne qui empêche les investissements nécessaires à une exploitation plus intensive (clôtures, démaquisage, piste d’accès) (Source : Note sur le foncier agricole, DRAAF, mai 2016).

Dans ces espaces, les associations foncières pastorales permettent de sécuriser, dans un cadre collectif, le lien juridique entre les exploitants et les terrains qu’ils exploitent malgré l’absence de titre de propriété et les indivisions non résolues. Elles permettent ainsi d’envisager des possibilités de mise en valeur durable par la mise à disposition de ce foncier auprès des agriculteurs.

 

Une nécessaire adaptation au changement climatique et aux crises sanitaire

Élevage de porcs en semi-liberté
DRAAF-SRISE

Le changement climatique est ressenti localement.
Il a une incidence directe sur la production en Corse (pertes fourragères liées à la sécheresse en 2014, pertes maraîchères et horticoles liées aux inondations en 2015 et 2016) et peut conduire à moyen et long termes à divers impacts négatifs pour l’ensemble des filières (baisse des rendements, modifications des calendriers, baisse de la qualité des produits, plus forte exposition aux risques naturels…).

Par ailleurs, la conjonction du changement climatique avec la mondialisation des échanges expose notre région à de nouveaux risques sanitaires.
Détectée en Corse en juillet 2015, la Xylella fastidiosa fait l’objet d’un plan de lutte renforcée et s’ajoute à la liste des nuisibles et des pathogènes déjà réglementés (notamment fièvre catarrhale ovine, peste porcine, tuberculose bovine et influenza aviaire s’agissant des cheptels, cynips du châtaignier, flavescence dorée de la vigne, charançon rouge des palmiers, capricorne asiatique s’agissant des végétaux). En cas de sécheresses et/ou d’épisodes venteux (plus fréquents, plus intenses ou d’une durée plus importante) le risque et l’incidence des incendies pourraient être démultipliés.
Les incendies peuvent entraîner une forte dégradation des sols, dans certains cas, leur stérilisation et une importante érosion dans les pentes.
Dans tous les cas c’est aussi le potentiel productif des agriculteurs qui est sévèrement endommagé, parfois de manière durable. L’analyse des interactions entre les activités agricoles et l’environnement permet d’établir un état des lieux de leur empreinte environnementale effective.

 

 

 

L’analyse des interactions entre agriculture et environnement permet d’établir un état des lieux de l’empreinte environnementale de l’agriculture sur l’environnement.

Un atout pour l’équilibre territorial

L’agriculture représente moins de 3 % du PIB mais constitue la principale activité consommatrice et utilisatrice d’espace en milieu rural. Elle permet de développer l’emploi dans l’espace rural et favorise la valorisation des ressources locales et les débouchés de proximité. Ainsi, le maintien et l’augmentation de l’activité agricole constituent une priorité régionale dans sa stratégie de développement durable. Pour la Corse, le Plan régional d’agriculture durable fait partie intégrante du PADDUC.

Un impact globalement positif sur la biodiversité et les paysages ruraux

Les différents types de productions agricoles et pastorales participent largement au maintien et à la création de milieux ouverts dont le rôle n’est plus à prouver pour la protection contre les incendies, la régulation des nappes, le maintien voir l’augmentation de la biodiversité et l’attractivité des paysages ruraux. Cependant, le déclin des pratiques agrosylvo- pastorales traditionnelles (transhumance, utilisation des estives d’altitude) contribue à une fermeture de ces milieux. Par ailleurs, la divagation animale constitue aussi un mode d’utilisation non maîtrisée de l’espace et des ressources souvent incompatible avec la gestion spécifique des espaces naturels et forestiers.

L’agriculture valorise les races et variétés domestiques locales et constitue une réelle opportunité de poursuivre et développer leur conservation, leur sélection et leur diffusion au bénéfice de la biodiversité.

Les incendies d’origine pastorale, largement dominants en Haute-Corse dans les années 1980, ont diminué de manière très significative et régulière depuis le milieu des années 1990. Leur nombre moyen a été divisé par près de sept entre 1996 et 2009 (Source : OEC) et est resté globalement stable depuis. Ces résultats traduisent l’impact très positif de la politique de prévention des incendies mise en oeuvre dans le département de la Haute- Corse depuis le début des années 1980 principalement axée sur le traitement des causes.

Cette politique, initiée par le PNRC, reprise en 1996 par l’ODARC et poursuivie depuis 2006 par l’OEC, est menée en collaboration avec l’ensemble des partenaires institutionnels de ce département, oeuvrant dans le domaine de la prévention et de la lutte (services de l’État et services départementaux)

 

Des impacts globalement faibles sur la qualité environnementale des masses d’eau

Les volumes d’eau prélevés en eau souterraine et superficielle
Source : AE RMC, tableau de bord du SDAGE
du bassin de Corse – 2016

Les prélèvements annuels actuels d’environ cent millions de mètres cubes, se répartissent entre l’alimentation en eau potable (46 %) et l’utilisation d’eau brute (54 %) notamment pour l’agriculture (Source : SDAGE 2016-2021).

Bien que caractérisés par une variabilité interannuelle marquée les volumes prélevés pour l’irrigation se situent dans un intervalle relativement stable. La variabilité interannuelle est liée à l’évolution des surfaces irriguées (– 20 % sur la période 2000-2010), de la disponibilité de la ressource (pluviométrie, températures) et indirectement à la gestion inter-saisonnière des retenues d’eau.

Le SDAGE 2016-2021 s’appuie sur un nouvel état des lieux des masses d’eau (données de surveillance 2011-2012-2013) et met en évidence :

  • un bon état général des masses d’eau ; Voir le chapitre " La qualité des eaux "
  • un impact des activités agricoles diffus et peu significatif sur la contamination des eaux mais plus important sur la plaine orientale qu’ailleurs tant par rapport aux prélèvements que par rapport aux effluents liés à l’activité ;
  • des masses d’eau en déséquilibre quantitatif lié aux prélèvements tous usages confondus (Rizzanese, le Reginu, les ruisseaux de Luri et de l’Ercu et la masse d’eau souterraine de la plaine Marana-Casinca, très sollicitée par les prélèvements AEP) qui appellent des actions d’économie d’eau (amélioration du rendement des réseaux), de partage de la ressource, de recherche de ressources complémentaires et/ou de substitution ;
  • localement, des masses d’eau en déséquilibre qualitatif ou à risques qui réclament prioritairement un programme d’actions.

Un peu moins de 10 % des mesures territorialisées du SDAGE concernent les pressions liées aux activités agricoles et de transformation agro-alimentaire. Il s’agit en particulier :

  • des pollutions diffuses agricoles par les nutriments (notamment liées à la fréquentation des berges par les animaux (porcins et/ou bovins selon les cas) : ruisseau de Chiova, partie haute du Prunelli (Taravo), plan d’eau de Codole (Balagne),
  • des pollutions diffuses et ponctuelles liées à l’utilisation de pesticides : étangs de Biguglia, Diana, Urbino (et Palo à étudier),
  • des pollutions liées aux effluents des unités de transformation agro-alimentaire (caves, fromageries et moulins à huile),
  • certaines pressions pastorales portant atteinte à la conservation des habitats et des espèces d’intérêt communautaire (bas Tavignano, plateau du Cuscione)

Le suivi global de l’utilisation des pesticides, tous usagers confondus, à partir des volumes vendus dans le bassin de Corse (Source : SDAGE, Données BNV-D Banque nationale des ventes de distributeurs) met en évidence une multiplication des ventes par 2,7 entre 2009 et 2014. Si cette hausse concerne essentiellement des produits non classés (soufre, produits de biocontrôle…), les ventes de produits très toxiques, cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques augmentent de 15 % entre 2009 et 2014. L’augmentation des ventes des produits non classés traduit un report d’achat des usagers suite à l’interdiction des produits plus dangereux historiquement utilisés mais s’explique aussi par l’apparition de résistance des ravageurs aux substances actives communément employées (cas de la résistance du champignon oïdium contourné par l’utilisation de soufre). Le triplement des surfaces converties en agriculture biologique participe aussi à cette hausse de vente des produits non classés, ces produits étant majoritairement autorisées pour ce mode de production. Les ventes de produits dangereux pour l’environnement (comme certaines substances du cuivre) ont diminué puis sont revenues à la valeur de 2009. Parmi ces produits, les produits minéraux ont diminué au profit des produits organiques.

Les pesticides sont classés dans la Banque nationale des ventes de distributeurs en quatre catégories :

  • les produits toxiques, très toxiques, cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques présentants des risques élevés pour la santé (T, T+, CMR), comme le zirame (contre la cloque du pêcher ou sur amandiers) ;
  • les produits minéraux dangereux pour l’environnement (N minéral), comme certaines substances du cuivre ;
  • les produits organiques dangereux pour l’environnement (N organique), dont le glyphosate ;
  • les produits non classés parmi les catégories citées (autres), dont le souffre, les produits de biocontrôle (micro-organismes, phéromones, substances naturelles). Ces produits sont considérés à faible risque.

 

Une tendance à l’amélioration de l’impact sur l’érosion des sols

Sur terrains pentus, sur substrats fragiles et sur sols peu profonds, les passages répétés d’engins agricoles, les opérations de dessouchage, de nivellement, de gros travaux du sol, peuvent conduire au décapage du sol avec un impact important sur les pertes de matière organique et une augmentation des risques d’érosion. De la même façon, la surconcentration animale peut localement conduire à une importante érosion des sols. Durant les périodes de forte pluie, ces sols nus sont particulièrement vulnérables.

Cependant, depuis le début des années 2000, de nombreux essais de techniques culturales simplifiées (TCS) de type semis direct ont été mis en place dans l’île notamment par le service « pastoralisme » de l’OEC. Cette technique, qui nécessite l’utilisation d’un semoir spécialisé (semoir direct), permet d’éviter d’avoir recours au labour ce qui évite toute perturbation aux sols. Aujourd’hui, cette technique rencontre un intérêt toujours plus croissant surtout auprès des éleveurs à qui, au-delà delà de ses avantages sur les sols, elle apporte notamment un gain de temps indéniable et permet des économies de carburant, pour une production fourragère intéressante, bien que légèrement plus faible que celle qui aurait été obtenue par la technique traditionnelle du labour. À titre d’exemple, sur les 250 ha de cultures fourragères semées à l’automne 2016 dans la région ajaccienne, 185 ha (soit près de 75 %) l’ont été par semis direct avec sept semoirs de ce type (Source : OEC 2016).

Pour l’entretien des vergers, la tendance actuelle est à la pratique d’engrais vert semé entre les rangs ou au maintien d’une couverture végétale spontanée de graminées. Une érosion en nappe sur les interlignes peut s’observer y compris sous vergers relativement plats lorsque ce couvert n’est pas encore installé. Des érosions très importantes sous vieilles vignes conduites avec désherbage total peuvent être constatées. La destruction des terrasses anthropiques à la faveur de terrassements contribue à l’accélération du ruissellement et de l’érosion. La tendance actuelle est plutôt à la conservation des terrasses y compris en viticulture.

Une faible participation aux émissions de gaz à effet de serre

En Corse, l’agriculture contribue à environ 10 % des émissions globales de GES (Source : Bilan énergie et inventaire des émissions de gaz à effet de serre de la Corse 2008, ADEME-OEC) avec :

  • des émissions de CH4 et N2O liées à la fermentation entérique et aux déjections animales de 206 300 teq CO2 et un ratio par tête de bétail inférieur à la moyenne nationale ;
  • des émissions de N2O liées à l’utilisation d’engrais de seulement 45 100 teq CO2 en relation avec une quantité d’azote totale épandue de 109 kg/ha contre 130 kg/ha au niveau national. (calculée sur la SAU hors surface toujours en herbe).

Au niveau de la capacité de stockage, l’analyse des facteurs de contrôle de la distribution des teneurs en carbone du sol montre le rôle prépondérant du climat qui induit un stockage régional important en relation avec les zones d’altitude supérieure à 500 mètres occupées en forêt, maquis et prairies et des valeurs plus faibles en zone agricole de basse altitude où la pluviométrie plus faible et les températures plus élevées contribuent à une minéralisation plus rapide. Compte tenu du climat et des types de sols, les pertes de carbone lorsque le sol est travaillé peuvent s’élever à 4 %/ha/an (pourcentage supérieur à la moyenne nationale et variable en fonction de la nature des sols). Ainsi sur certains vignobles adultes, on peut observer des teneurs moyennes voisines de seulement 1 %.

À travers certaines pratiques, l’agriculture a un potentiel d’action local positif sur le stockage additionnel du carbone :

  • les teneurs en carbone voisines de 2 % sous clémentiniers peuvent doubler si l’on pratique l’enherbement permanent des inter-rangs ;
  • le non-labour par l’utilisation de techniques culturales simplifiées (TCS, voir ci-avant « Érosion des sols ») lorsqu’il n’engendre pas de désherbages additionnels ;
  • la pratique d’engrais verts en inter-culture ;
  • l’élevage sur libre parcours par sa contribution au maintien de surfaces en herbe; et d’une manière plus générale toutes les pratiques respectueuses de l’environnement qui diminuent les risques d’érosion (TCS).

 

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