Les ressources locales et la consommation énergétique

Source : OREGES

Passe à poissons et anguilles microcentrale de Calzola
G.Winterstein

L’insularité et le manque de ressource énergétiques locales induit une forte dépendance en matière d’approvisionnement énergétique. Ainsi, bien que le mix électrique de la Corse se caractérise par un taux très important d’énergies renouvelables (EnR), l’île reste dépendante des approvisionnements extérieurs pour près de 87 % de sa consommation totale d’énergie primaire en 2014 (carburants pour les transports, gaz de pétrole liquéfié pour le chauffage notamment, combustibles pour la production d’électricité, importations d’électricité via les liaisons électriques avec l’Italie et la Sardaigne…).

Le mix énergétique désigne l’ensemble des différentes sources d’énergie primaire utilisées pour la consommation finale d’une zone géographique donnée. En Corse, il inclut les énergies fossiles (produits pétroliers ou d’origine pétrolière comme le gaz de pétrole liquéfié – GPL) et des énergies renouvelables (hydraulique, solaire, éolien, biomasse). Il comptabilise toutes les énergies primaires, notamment celles consommées pour la production d’électricité, les transports, le chauffage des bâtiments, etc.

Le mix énergétique de la Corse intègre également les importations d’électricité via les liaisons avec l’Italie continentale et la Sardaigne. La part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie primaire s’élève à environ 13 %. Ramenée en énergie finale, cette part augmente à 15 % pour l’année 2014.

La consommation primaire est de 654 ktep en 2014, répartie de la manière suivante :

On constate que ces dix dernières années ont été marquées :

  • par une augmentation des importations d’électricité depuis la Sardaigne ;
  • par une forte fluctuation de la production d’électricité d’origine renouvelable due à la prépondérance de l’hydroélectricité dépendante des variations annuelles des apports hydriques. Toutefois, la part des énergies renouvelables a été renforcée ces dernières années suites à la mise en service de la centrale hydroélectrique du Rizzanese (50 MW) ainsi qu’à un développement soutenu du photovoltaïque (+100 MW entre 2010 et 2014) ;
  • par une baisse continue des importations de GPL, baisse supérieure à 35 % (hors correction climatique).

 

Le système énergétique

Le système électrique de la Corse
Source : DREAL 2016

L’approvisionnement de l’île en hydrocarbures est effectué exclusivement par navires. En raison du surcoût lié au transport, la consommation des produits énergétiques et en particulier des carburants (essence, gas-oil), représente un poids plus important sur l’économie locale que dans les autres régions de la France continentale. De plus, les contraintes techniques inhérentes aux infrastructures des dépôts pétroliers entraînent d’autres inconvénients en termes de sécurité d’approvisionnement, ou encore la difficulté de distribution de biocarburants tel que le SP95-E10 ou le E85.

La distribution de gaz en Corse est effectuée après transport maritime et stockage, soit par les réseaux Engie des agglomérations d’Ajaccio et Bastia, soit par livraison directe de GPL vrac chez le consommateur, soit par bouteilles (butane et propane).

En 2016, le parc de production d’énergie électrique en Corse totalise une puissance installée d’environ 860 MW. Les moyens de production du parc électrique sont répartis de la manière suivante :

 

Moyens de production électrique en Corse en 2016
Moyens thermiques
• Centrale du Vazzio 244 MW
• Centrale de Lucciana
• Turbines à combustion (TAC) 105 MW
Interconnexions
• Câble Sardaigne-Corse (SARCO) 244 MW
• Câble Sardaigne-Corse-Italie (SACOÏ)
Energies renouvelables
Cinq barrages hydroélectriques 244 MW
• Barrage de Tolla sur le Prunelli
• Barrages de Calacuccia et Corscia sur le Golo
• Barrage de Sampolo sur le Fium’Orbu
• Barrage du Rizzanese sur le Rizzanese
Micro-centrales électriques 28,3 MW
Trois parcs éoliens 18 MW
Installations photovoltaïques 117 MWc
dont 18 MWc de champs photovoltaïques avec
stockage (plus de 1650 installations en toiture
et 28 au sol)
Installation de production électrique
à partir de biogaz
1,7 MW
Total 860 MW

 

En 2014, les sources d’énergies renouvelables (EnR) couvraient 31,7 % des besoins en électricité, le thermique 38,6 %, et l’interconnexion 29,7 %. Cette répartition est toutefois soumise aux variations liées aux conditions hydrologiques, puisque l’hydroélectricité représente la majeure partie de la production des énergies renouvelables.  Ainsi, en 2015, ces pourcentages s’élevaient respectivement à 24, 45 et 31 %.

Le réseau électrique à haute et très haute tension corse se compose de :

  • 758 km de ligne à 90 000 volts ;
  • 158 km de ligne à 200 000 volts en courant continu (liaison SACOI) ;
  • 15 km de liaison sous-marine et 7 km de liaison souterraine à 150 000 volts ;
  • 27 postes de transformation 90 kV / 20 kV (ou 15 kV) et 6 postes d’évacuation.

Des études et des travaux sont engagés pour lever les contraintes qui pourraient apparaître à l’horizon 2023 : création de nouveaux postes sources, renforcement des liaisons de la région ajaccienne, étude de la nécessité de renforcer l’alimentation de Bastia, création de lignes d’évacuation pour les futurs outils de production.

Par ailleurs, le Schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables à l’horizon 2020, approuvé le 7 juin 2016, a démontré que les réseaux sont adaptés aux besoins liés au développement de celles-ci.

En ce qui concerne le réseau de distribution, le relief corse ne favorise pas son maillage. Les enjeux d’investissement et de maintenance sont très forts pour répondre aux exigences de qualité de l’électricité fournie. Le stock de réseau basse tension à renforcer reste important en milieu rural. La troisième convention d’application du Programme exceptionnel d’investissements pour la Corse (PEI) intègre une mesure relative à la remise à niveau des réseaux d’électrification rurale pour un montant d’opérations prévu de 26 ME avec un financement par l’État à hauteur de 63 %.

La consommation d’énergie électrique a évolué de manière conforme aux prévisions du plan énergétique de 2005 jusqu’en 2011 puis a subi un décrochage qui s’explique par la conjugaison de deux phénomènes :

  • l’effet des actions de maîtrise de la demande en énergie portées conjointement par la CTC, l’Ademe, EDF et l’aide de l’UE (PO Feder) ;
  • l’effet sur l’économie territoriale de la crise économique mondiale de 2008.

Les puissances appelées à la pointe en période hivernale évoluent depuis 2005 conformément aux tendances prévues dans le plan énergétique de 2005.
La pointe attendue est atteinte au cours des hivers froids tandis que la pointe se situe en dessous des attentes lors des hivers plus cléments.
Absente du plan énergétique de 2005, la problématique de la pointe estivale est devenue un véritable enjeu d’équilibre du système depuis 2009 du fait du développement des usages spécifiques (climatisation par exemple), développement de la consommation des résidences secondaires, consommations liées au tourisme, ets. Si la puissance atteinte à la pointe en été reste moins élevée qu’en période hivernale, la tenue de l’équilibre offre-demande s’avère tout aussi, si ce n’est plus, compliquée du fait de l’absence de nombreux moyens de production en période estivale :

  • impossibilité d’importer de l’énergie par la liaison électrique sarde (100 MW) ;
  • limitation d’usage de la grande hydraulique (> 100 MW).

Maîtrise de l’énergie et développement des énergies renouvelables

Barrage du Rizzanese
G.Winterstein

La Corse dispose d’un important potentiel de développement des énergies renouvelables, qu’elles soient hydroélectriques, éolienne, solaire ou issues de la biomasse et leur contribution constitue un axe déterminant pour le dessin des ressources énergétiques de la Corse de demain.

La demande électrique Corse est particulièrement sensible à l’aléa climatique. On estime que 37 % de la consommation est dépendante du climat (température, nébulosité, etc.) au travers du chauffage (24 %) et de la climatisation (13 %). Plus des deux tiers de cette consommation sont réalisés par les particuliers et le secteur du « petit tertiaire » tandis que le reste revient au « gros tertiaire » et à l’industrie. Il existe un gisement d’économies d’énergie très important dans ces différents secteurs.

Des campagnes promotionnelles d’équipements performants auprès du grand public, des dispositifs d’aides complémentaires au crédit d’impôt et des moyens importants pour les collectivités et professionnels ont été engagés ces dernières années par la CTC, l’Ademe, EDF et le Feder afin de mieux consommer et de développer les énergies renouvelables de production de chaleur comme d’électricité. Le bilan du programme établi par l’Observatoire régional des énergies et des gaz à effet de serre (Oreges) de Corse permet d’estimer un gain énergétique de plus de 115 GWh/an en cumulé et une réduction des émissions annuelles de près de 67 kTeq CO2/an. L’ensemble de ces actions a généré plus de 217 ME d’investissement dans l’économie « bas carbone » sur le territoire pour près de 40 ME de subventions attribuées, soit un effet levier de 5. L’effet positif à la fois sur l’économie insulaire en période de crise et sur le système énergétique globale de la Corse est d’ores et déjà acquis et renforcé à travers le renouvellement des partenariats entre la CTC, l’Ademe, EDF et l’Union européenne sur la période 2014-2020.

La Corse possède des conditions exceptionnelles pour le développement de l’hydroélectricité. Le potentiel régional « sauvage » a été estimé, dans le cadre d’une étude conduite par la CTC en avril 2013, à environ 6 000 000 MWh par an, soit 20 MWh par habitant, à comparer avec le potentiel « sauvage » de 4,6 MWh par habitant de la France continentale. Si seulement un tiers de cette énergie est techniquement récupérable, il reste que ce ne sont que 8 % de ce potentiel qui sont exploités. Le classement des cours d’eau fixé par arrêté du 15 septembre 2015 réduit toutefois le potentiel estimé. Sur les 37 sites vierges identifiés, 16 sites potentiels pour une puissance totale estimée à 19 MW et un productible de 67 GWh/ an ne sont pas classés, quatre sites potentiels pour une puissance totale estimée à 5,7 MW et un productible de 22 GWh/an sont classés en liste 2 (cours d’eau sur lesquels il convient d’assurer ou de rétablir la libre circulation des poissons migrateurs et le transit des sédiments), les 17 autres sites identifiés pour une puissance totale estimée à 20 MW et un productible de 84 GWh/an étant classés en liste1 (cours d’eau sur lesquels la construction de tout nouvel ouvrage faisant obstacle à la continuité écologique est interdit).

L’énergie éolienne n’a pas connu le même essor que sur le continent. La puissance installée s’élève à 18 MW depuis 2006.

L’énergie photovoltaïque a connu en revanche un fort développement depuis 2010 en particulier grâce à des conditions tarifaires attractives et à des conditions d’ensoleillement remarquable. Ce développement est à présent ralenti du fait de la limite dite « des 30 % ». La faible interconnexion de la Corse avec le continent limite en effet à tout instant la part des moyens de production intermittents à caractère aléatoire (photovoltaïque, éolien) concourant à la puissance injectée sur le réseau à environ 30 % de la puissance totale appelée. Cette mesure à caractère réglementaire en zones non-interconnectées vise à limiter les contraintes subies par le réseau de transport électrique lors des variations soudaines de la puissance de production délivrée par ces installations.

Les premières déconnexions d’installations éoliennes ou photovoltaïques ont été appliquées pendant quelques heures en 2012.

Les nouvelles installations solaires pourront intégrer un dispositif de stockage de l’énergie, à l’instar du projet expérimental Myrte (pile à hydrogène) ou des deux derniers appels d’offres lancés par la Commission de régulation de l’énergie en 2011 et 2015, pour limiter les risques de déconnexion qui pénalisent la rentabilité des projets.

La production de chaleur à partir du bois énergie est majoritairement générée par les installations de chauffage individuelles des ménages (75 à 100 GWh/an) auxquelles il faut ajouter une dizaine de chaufferies collectives (environ 28 GWh/an), dont celle alimentant le réseau de chaleur de Corte. Cependant la Corse dispose d’un potentiel important de développement de cette source énergétique (avec un potentiel de multiplication par quatre de la capacité estimée à l’horizon 2050), passant par une meilleure mobilisation de la ressource en bois des forêts par une structuration de filière.

Le développement des énergies renouvelables a fait l’objet d’une réflexion concertée approfondie dans le cadre de l’élaboration du Schéma régional climat air énergie.

Le Schéma régional climat air énergie (SRCAE)

Ferme photovoltaïque de Corte Pascialone
ODDC, G.Winterstein

La Loi portant sur l’engagement national pour l’environnement, dite loi ENE ou loi Grenelle II, promulguée le 12 juillet 2010, institue les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE).
Il s’agit d’un document stratégique, adopté le 20 décembre 2013 par l’Assemblée de Corse, permettant de renforcer la cohérence des politiques territoriales en matière d’énergie, de qualité de l’air, et de changement climatique.
Il est à noter que le SRCAE a contribué à la définition du PADDUC.

Le schéma fixe les objectifs et les orientations afférentes du territoire corse, à l’horizon 2020 et 2050, répondant aux enjeux suivants :

  • atténuer les effets du changement climatiques et s’y adapter ;
  • prévenir ou réduire la pollution atmosphérique ;
  • valoriser le potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération en mettant en oeuvre des techniques performantes d’efficacité énergétique;
  • réduire les consommations d’énergie.

Les principaux objectifs stratégiques du SRCAE de Corse en matière énergétique sont résumés ci-dessous :

  2020 2050
Consommation d’énergie finale -16% -54%
Émission des GES énergétiques -31% -89%
Couverture par des énergies renouvelables 20% 100%

 

Les deux principaux leviers pour atteindre l’autonomie sont la maîtrise de l’énergie (MDE) et le développement des énergies renouvelables (EnR).

Selon les scénarios étudiés d’aide à la décision, l’effort à accomplir se répartit ainsi :

  • deux tiers de diminution des consommations d’énergie,
  • un tiers de développement des énergies renouvelables.

Cette politique ambitieuse, réaliste, et concertée, doit permettre l’atteinte de l’autonomie énergétique en 2050, dans le respect des compétences et des responsabilités des acteurs du territoire, en s’appuyant sur :

  • une gouvernance renouvelée et innovante, promouvant la synergie des acteurs, l’articulation des dispositifs ;
  • une adhésion de la population, pour concrétiser la maîtrise des consommations par la sobriété et l’efficacité énergétique, à la fois dans les comportements et les modes d’organisation ;
  • la réduction des émissions polluantes qui constitue un enjeu sanitaire ;
  • le développement des énergies renouvelables ;
  • l’innovation et le développement technologique dans la gestion des systèmes énergétiques et/ou ceux à bas niveau d’émission en gaz à effet de serre et polluants atmosphériques ;
  • l’adaptation aux conséquences du changement climatique.

 

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