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Les risques naturelsLe risque d’incendie de forêts
Le risque d'incendie est un risque naturel majeur pour la Corse dont la puissance dépend étroitement des conditions météorologiques, ainsi que de la nature et du volume de la végétation. Il est susceptible de toucher l'intégralité du territoire. Il concerne la population dans son ensemble, les résidents en premier lieu, mais, aussi les visiteurs de passage. Bien que l'île ait toujours connu des incendies de très grande ampleur, extrêmement dévastateurs pour les hommes, les milieux et les animaux, depuis plus d'une cinquantaine d'années, le contexte a beaucoup évolué. Désertification, abandon des pratiques pastorales (déprise agro-pastorale), engouement pour les activités de loisir en milieu naturel et changement climatique se conjuguent, rendant le phénomène incendie encore plus complexe et obligeant de manière accélérée à une optimisation des moyens tant humains que financiers. La sécurité humaine est maintenant en première ligne tout au long de l'année. Dans le même temps, il est constaté une diminution progressive des départs de feux depuis 1990 et une réduction des surfaces incendiées depuis 2004. Enfin, les mégas-feux qui dévastent depuis quelques années le Portugal, la Grèce, l'Australie et la Californie, nous montrent que la Corse peut aussi être touchée par ce type de catastrophe.
L'évolution de l'occupation du territoireLe territoire corse, notamment dans les zones de piedmont et de montagne, est soumis, depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, au phénomène de déprise rurale et agricole continue, résultant de la rupture du système agro-sylvo-pastoral qui prévalait autrefois et basé sur une agriculture vivrière et une population active importante dans les villages. Cette déprise se caractérise par un abandon ou un trop faible niveau d'entretien des milieux. Elle favorise une dynamique spontanée et incontrôlée de la végétation qui, facilitée par des conditions pédo-climatiques favorables et un système d'élevage extensif, se traduit par un embroussaillement très important des milieux précédemment utilisés et gérés par les activités agro-pastorales. Cela entraîne inexorablement, au-delà de la perte de biodiversité et d'une homogénéisation des paysages, un risque d'incendies élevé, aux conséquences parfois catastrophiques sur les espaces naturels (forêts et maquis), mais aussi les espaces habités, menaçant les personnes et les biens. Ce phénomène tend à s'intensifier avec le changement climatique. Aujourd'hui, la forêt occupe environ 500.000 ha soit 60% du territoire insulaire. En 150 ans, sa superficie a été multipliée par trois. Les milieux autrefois « ouverts » qui représentaient 80% du territoire ont donc régressé très fortement au profit de la forêt. Ils ne représentent plus qu'environ 40% du territoire dont 30% de zones de pacage ou de parcours et 10% de terres agricoles soit 340.000 ha (Carte d'état-major de la Corse (1864-1866) - Occupation du sol et première analyse des forêts anciennes, C. Panaiotis et Al, 2017). Véritable fléau pour la végétation méditerranéenne, les incendies brûlent chaque année en corse plusieurs centaines voire même parfois plusieurs milliers d'hectares. C'est pourquoi, la problématique «feux de forêts et d'espaces naturels» est une des préoccupations environnementales majeures pour l'île. La fréquence de grands incendies sur certains secteurs de l'île (Balagne, Cap-Corse, Cortenais, Gravona, golfe de Lava....) ont eu des conséquences néfastes voire irréversibles sur les paysages, la faune et la flore, entraînant ainsi une perte progressive de biodiversité. Ces conséquences sont notamment :
De plus, la Corse, depuis plus de 4 décennies connaît une évolution exponentielle de l'urbanisation qui s'étend dans la continuité des villages mais aussi dans certaines zones naturelles, notamment dans les secteurs littoraux. La tâche urbaine a été multipliée par 2,7 entre 1980 et 2019. Voir le chapitre « Logement et urbanisation durables »
Cette croissance urbaine qui s'est faite le plus souvent sous forme de mitage, complexifie l'action des moyens de lutte en raison de la multiplicité des points sensibles à défendre. D'autant plus que le débroussaillement réglementaire n'est pas toujours effectué, tant en habitat groupé, qu'en habitat isolé. Encore trop souvent les services de lutte sont mobilisés pour la protection des personnes et des constructions au détriment de celle du milieu naturel. L'activité humaineLa cause principale d'incendies reste d'origine humaine, qu'elle soit volontaire ou involontaire. La population s'est concentrée autour des agglomérations et s'accroît notablement en juillet et août. Ainsi, le risque sur le littoral s'est accentué. Parallèlement, le fort développement de la pratique des sports de pleine nature (randonnées, escalade, canyoning,...) entraîne une sur fréquentation humaine du milieu naturel, y compris dans des secteurs peu accessibles. La protection des personnes contre les incendies dans le milieu naturel conduit les services de prévention et de lutte à adopter d'autres techniques d'information et de sensibilisation préventives. Enfin, le savoir-faire en matière d'usage du feu à des fins de réouverture du milieu, pratiqué traditionnellement dans des cadres très précis, s'est perdu. Les effets du changement climatiquePropice aux incendies de forêts, le climat méditerranéen se caractérise par des températures élevées, une forte sécheresse et des vents violents fréquents.. Ce climat induit une végétation adaptée mais extrêmement réactive au feu. En outre, une aggravation des événements climatiques violents, difficilement prévisibles et répétés est avérée. Sécheresses extrêmes, pics de chaleur, hygrométrie de l'air très faible, tempêtes de vent sont autant de facteurs favorisant le déclenchement et la propagation des incendies. De plus, ces événements climatiques extrêmes débordent largement depuis quelques années la période considérée jusqu'à présent à risque. Des feux violents et de grande ampleur marquent dorénavant la saison hivernale (janvier à mars). A titre d'exemple on peut citer :
Quelques chiffres sur les incendies en CorseUne diminution des incendies et de leurs conséquences
L'analyse statistique du phénomène incendie en Corse sur la période 2006-2015 s'appuie sur la base de données Prométhée mise en place en 1973. C'est la base de données officielle pour les incendies de forêts Panache de fumée d'un incendie à Alata (DREAL) 123 des quinze départements du Sud-Est méditerranéen français. Dès 1973, l'État a décidé de se doter, pour cette zone très sensible, d'un outil permettant le recensement des feux de forêts au sein d'une base de données unique. Le bilan définitif d'une année (chiffres consolidés) est arrêté au 31 janvier de l'année suivante. Des tris sont possibles selon la nature (feu de forêt et autres feux de l'espace rural et périurbain, autres feux de l'espace rural et périurbain), la zone géographique, la période, la nature de la cause, etc. Les données sont consultables sur internet : www.promethee.com/ D'une année à l'autre, les départements de la Corse présentent d'importantes variations du nombre total d'incendies et de surfaces consumées. Les valeurs observées pour ses deux départements restent très importantes comparées à celles des autres départements continentaux de la zone de défense sud. Une première analyse peut être réalisée par décennie : La base Prométhée ne faisant pas la distinction entre les feux de forêt et les feux péri-urbain sur la période 1991-2000 pour la Corse-du-Sud (*), les chiffres de cette période doivent être examiné avec précaution. Néanmoins, on constate que :
Tableau 20 : Analyse des incendies par décennies (BD Prométhée)
Une seconde analyse sur des périodes plus courtes de 5 ans conforte cette première vision du phénomène sauf sur le dernier point. En effet, il apparaît une variabilité importante des surfaces consumées dans le temps, avec à nouveau, une augmentation pour la dernière période 2016-2020. Cette nette augmentation des surfaces sur cette période est liée exclusivement à des incendies qui se sont produits entre le mois de janvier et le mois de mars. Les feux entre les mois de juin à octobre ne représentent plus que 60 % des mises à feu et 52 % des surfaces concernées. Les superficies calcinées ne sont donc pas corrélées au nombre de mises à feux constatées. L'évolution favorable des chiffres, même en tenant compte de la variabilité inter-annuelle, est le résultat de la stratégie nationale de lutte contre les incendies basée sur l'extinction rapide des feux naissants. Ces actions doivent donc être poursuivies afin de continuer sur cette dynamique. Près de 96 % des feux entre 2016 et 2020 sont maîtrisés avant qu'ils ne dégénèrent et ne parcourent plus de dix hectares mais un petit nombre de feux engendre l'essentiel des surfaces brûlées (0,7 % du nombre total des feux parcourent 80 % de la superficie totale incendiée sur cette période). Ces incendies peuvent se développer dans une situation opérationnelle complexe (multiple départs de feux) mais aussi dans un contexte climatique extrême (chaleur, vent, faible taux d'hygrométrie), s'installant de manière brutale. Ces phases paroxysmiques sont de plus en plus à craindre du fait du changement climatique. Ces mégas-feux qui concernent régulièrement le Portugal, l'Australie, la Californie, constituent des alertes dont il est nécessaire de tenir compte dès aujourd'hui. Des causes de départ de feux majoritairement d'origine humaine et souvent volontaire. Si la propagation des incendies de grande ampleur est due à des causes naturelles, à savoir une sécheresse combinée à des vents violents, les causes des départs de feux sont majoritairement d'origine humaine. Ainsi, sur la période 2011-2020 et en n'examinant que les feux renseignés sur leur cause 3 :
Par contre et sur la même période et en considérant non pas le nombre de feux mais la surface qu'ils ont incendiée, les données sont très différentes :
La politique régionale de préventionDepuis le début des années 1990, la prévention des incendies a fait l'objet de plan dans chaque département. Depuis 2006, une politique interdépartementale est menée à travers le Plan de protection des forêts et des espaces naturels contre les incendies (PPFENI). Le plan actuel fixe les priorités en matière de politique interdépartementale et inter-service jusqu'en 2022. Conforme aux orientations du Code forestier et s'appuyant sur le bilan positif de la politique conduite précédemment qui reposait sur la sensibilisation d'une part, l'équipement et la compartimentation du territoire d'autre part, les partenaires régionaux et départementaux impliqués dans la prévention et la lutte contre les incendies ont souhaité affirmer une politique claire, selon trois objectifs fondamentaux :
Les vingt fiches-actions du plan organisent les rôles de chacun : de l'État, d'abord, dont c'est la responsabilité d'assurer la concertation départementale et régionale autant que de mener ses missions régaliennes (contrôle opérationnel des ouvrages, débroussaillement légal, etc.), mais aussi des services de lutte, des organismes socioprofessionnels concernés et de l'ensemble des collectivités territoriales qui sont au cœur de la logique territoriale du plan.
Réduire le nombre de feuxL'objectif 1 veut prévenir le risque d'incendies par la réduction du nombre de départs de feux : la Corse subit encore un nombre de départs de feux trop important, majoritairement issus des diverses activités humaines et le plus souvent involontaires. L'outil principal développé repose sur la communication et l'éducation au risque incendie. Réduire le nombre d'incendies imputés à des causes accidentelles serait une marge de progrès significative bien que certaines causes, en particulier naturelles, demeurent hors de ce champ d'intervention.
Réduire les surfaces brûlées et les dégâtsL'objectif 2 cherche à réduire les surfaces parcourues par les incendies et limiter leurs conséquences en protégeant les personnes, les biens, les activités économiques et sociales et les milieux naturels. L'intervention sur feux naissants est la stratégie privilégiée par les forces de lutte. Mais, il est admis, au vu de la superficie de la Corse, que cela n'est pas toujours possible et que la lutte aérienne ne peut être la seule alternative. Si l'incendie a pris trop d'ampleur, il ne peut être traité que par la localisation raisonnée d'un réseau de coupures de combustible, les zones d'appui à la lutte (ZAL) de manière à permettre aux moyens de lutte de se positionner en sécurité pour stopper sa propagation. Pour arrêter véritablement un incendie puissant, la présence des forces de lutte est indispensable sur ces ouvrages débroussaillés et équipés de points d'eau. L'équipement du territoire en ZAL, points d'eau et pistes de défense contre les incendies (DFCI) poursuit deux objectifs :
La création de ces ouvrages est planifiée en Corse dans vingt Plans locaux de protection contre les incendies (PLPI). Elle n'est pas encore complètement finalisée. D'autre part, une vingtaine de sites forestiers remarquables bénéficient d'une gestion préventive renforcée par le biais d'études PRMF (Protection rapprochée de massifs forestiers), accentuant notamment la protection des usagers fréquentant de plus en plus ces milieux pour des activités de pleine nature. Dans ce type de configuration, l'information du public est essentielle. La carte du risque incendie de forêt répond en Corse à cette exigence : pendant la saison des feux de forêts, la préfecture de Corse communique sur l'intensité du risque d'incendie. Celui-ci est calculé chaque soir pour la journée du lendemain. Cela se traduit par l'élaboration quotidienne d'une carte du risque avec un niveau de risque affiché selon quatre couleurs et destinée à informer :
Cette carte est consultable sur le site de la préfecture de la Corse-du-Sud (http://www.corse-du-sud.gouv.fr) et de la Haute-Corse (http://www.haute-corse.gouv.fr). Elle est envoyée automatiquement chaque soir, de juin à fin septembre, à une liste de 1550 destinataires composée d’élus, de professionnels du tourisme (montagne, activités de pleine nature, hôtels, campings, etc.) et de particuliers soucieux d’être informés quotidiennement sur le risque. Elle permet également aux agents du PNRC et de l’ONF d’afficher chaque soir le niveau de risque du lendemain sur les panneaux placés dans les massifs faisant l’objet d’une protection rapprochée. Sur smartphone, une fonction de géolocalisation permet de voir la couleur du risque assignée à la zone dans laquelle on se trouve. Trois niveaux de risque sont affichés :
En complément un signalement des massifs fermés par décision préfectorale apparaît en couleur noire. Parallèlement à ce dispositif d'équipement du territoire, la population est dans l'obligation de procéder au débroussaillement légal autour des constructions, et les maires de contrôler la bonne application de la réglementation et de veiller à la densification de l'urbanisation.
Comprendre, communiquer et organiserLe PPFENI, en plus des deux objectifs cités, comporte un troisième volet : comprendre, communiquer et organiser. Il consiste à mieux articuler, dans le contexte institutionnel existant, les responsabilités de chacun des acteurs susceptibles d'avoir un impact sur le phénomène d'incendies. Il vise, à ce titre, à une plus grande concertation entre chercheurs, opérationnels et responsables élus à l'échelle de la Corse. L'implication des élus constitue la clef de voûte du dispositif
3. Base Prométhée pour 47% des départs de feux et 87% des surfaces consumées
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