Les paysages et le patrimoine bâti

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L’évolution des paysages

Les ensembles paysagers (DREAL)

L'Homme est au cœur des paysages qu'il a peu ou prou contribué à produire, qu'il a choisi ou qu'il subit. La manière dont on va habiter, se mouvoir, consommer, va avoir un impact sur les paysages. L'homme par sa présence comme son absence impacte le paysage. On passe au cours du temps de paysages pastoraux à des paysages enmaquisés, de paysages ouverts à des paysages fermés. De manière plus générale, la modification des pratiques agricoles a impacté la végétation et donc le paysage, mais c'est aussi un retour à une certaine « normalité » paysagère quand on sait que les activités agro-sylvo-pastorale ont causé des perturbations considérables sur le paysage naturel. L'abandon relatif des espaces de l'intérieur traduit également l'absence de débouchés économiques. En Corse, la résidentialisation du littoral a aussi considérablement modifié le paysage. Toutes ces transformations sont la conséquence des (nouvelles) façons de vivre le territoire.

La Corse est une île étroite de 80 kilomètres de largeur maximale qui culmine à 2 707 m au Monte Cinto sur l'épine dorsale montagneuse qui traverse l'île du nord au sud. Elle présente deux façades maritimes aux profils différents et se prolonge, au nord, par le Cap Corse, une longue péninsule montagneuse. L'île est cloisonnée par un relief vigoureux, les paysages naturels y sont très contrastés et la grande ligne des massifs montagneux forme une toile de fond partout présente.

Perpendiculairement à cette épine dorsale se dessinent des vallées autour desquelles était organisée l'activité agro-sylvo-pastorale des communautés villageoises. Le pourtour immédiat des villages était consacré aux cultures vivrières et aux vergers dans un espace dénommé « U Circulu » et au-delà était développée la transhumance sur le domaine pastoral « A pastureccia » en hiver en plaine et en été en montagne. Ainsi du bord de mer à une altitude de 1 700 m le paysage était façonné par l'activité humaine avec de nombreux édifices en pierre sèche liés à l'activité pastorale et autour des villages des terrasses de cultures, et des constructions liées à l'usage de l'eau, moulins, fontaines, réseaux d'irrigation.

Tous ces éléments étaient reliés par des chemins empierrés adaptés aux déplacements des hommes, des bêtes et des productions. La disparition progressive et récente de cette organisation liée à la désertification rurale entraîne une modification rapide des paysages, mais l'analyse de cette évolution doit toujours être réalisée selon des axes de communication entre la montagne et la plaine.

À l'est, un littoral varié associe, dans sa partie méridionale, golfes, falaises et plages. Plus au nord, au-delà de Solenzara, lidos, estuaires, dunes et étangs côtiers sont les éléments constitutifs d'une côte linéaire et relativement plate d'où la vue embrasse l'ensemble des massifs montagneux distants de quelques kilomètres.

À l'ouest, des vallées encaissées et boisées sont dominées par les hautes crêtes souvent très proches du rivage. Au contact de la mer, ces vallées s'achèvent en une succession de golfes rocheux et accidentés, mais tapissés de plages de sable à l'embouchure des cours d'eau.

Les paysages corses associent un environnement marin, une végétation sauvage et préservée et des reliefs tourmentés ponctués de villages mis en évidence par leur situation et leur aspect monumental. Empreints d'une beauté sauvage, ces paysages ont été, en grande partie, façonnés par l'homme notamment dans le cadre de l'activité agro-sylvo-pastorale.

Voir le chapitre « L'agriculture en Corse »
 

Au cours de leur évolution la plus récente, le maquis et la forêt ont progressé aux dépens des anciennes terrasses de culture, tandis que l'urbanisation grignotait le littoral. La qualité et la diversité des paysages de la Corse sont les éléments déterminants de l'attractivité qu'elle exerce sur les touristes et pour le bien être des habitants, le caractère de ses villages étant le second critère cité.
 

La montagne

 

Aiguilles de Bavella (J. Dornbusch)

Jusqu'au milieu du XXe siècle, c'est dans la moyenne montagne, entre 400 et 800 mètres d'altitude, que l'action de l'homme sur les paysages s'est exercée de la façon la plus intense. Pour des raisons liées à l'histoire et à la culture, c'est là que vivait la majorité de la population et que se situait l'activité agricole et pastorale qui la faisait vivre. À proximité des villages, les cultures vivrières et les vergers recouvraient les pentes d'innombrables aménagements en terrasses. À chaque village étaient associées des zones de transhumance, en montagne l'été et en plaine l'hiver. Les aménagements pastoraux, très sobres et d'une parfaite exécution, étaient totalement intégrés à leur environnement. C'est à cet espace montagnard que se réfère l'essentiel de la tradition et de l'identité de la Corse.

Les 360 communes que compte la Corse détiennent un remarquable patrimoine d'architecture rurale. La nécessité des temps ayant imposé aux hommes de vivre de façon collective, les espaces publics ont été mis en valeur dans des situations privilégiées : églises et couvents aux façades monumentales et en position dominante, places et placettes, fontaines, mairies, écoles. Partout, même dans les lieux les plus reculés, la maison focalisait l'attention des familles et témoignait de son rang par des éléments nobiliaires. Édifiées avec des matériaux issus du sol, les constructions s'intégraient remarquablement dans le paysage et étaient aussi diversifiées que les roches qui les constituaient.

On observe plusieurs clivages. Le plus apparent tient à la géologie. À la Corse granitique correspond un habitat robuste aux formes simples avec des toits de tuile ronde (les bardeaux de châtaignier ont aujourd'hui disparu). Le schiste autorise, quant à lui, des volumes plus élaborés et des toits de lauze. Mais il existe également un clivage culturel. L'en-deçà des monts, c'est-à-dire la Haute-Corse, ouvert sur l'extérieur, a été fortement influencé par l'architecture italienne et ligure, qu'il s'agisse de la floraison des églises baroques ou de la structure des édifices voûtés sur plusieurs niveaux et agrémentés de volumineuses corniches. Au-delà des monts, qui correspond à la Corse-du-Sud, est resté plus isolé et l'influence italienne sur le bâti y est beaucoup moins sensible.

Au cours du XXe siècle, les villages se sont dépeuplés au profit du littoral, l'agriculture de montagne a régressé. Avec la déprise agro-sylvo-pastorale, l'espace s'est refermé au profit de la forêt et du maquis, faisant disparaître les paysages ruraux traditionnels. Le bâti ancien s'est fortement dégradé en raison de l'exode rural, de l'indivision et de la méconnaissance de sa valeur. Aujourd'hui, cependant, le phénomène de désertification des villages de l'intérieur semble s'être arrêté. Il y a peu d'habitants permanents mais la fréquentation estivale est soutenue. Elle est le fait des insulaires qui regagnent leur maison de famille et des touristes. Le bâti ancien est mieux entretenu. S'il n'a pas souvent été rénové en respectant les savoir-faire et les matériaux traditionnels, la tendance actuelle va vers une meilleure prise en compte de l'importance et de la qualité de ce patrimoine.
 

Le littoral

Les seules villes du littoral étaient des citadelles établies par la République de Gênes dans des positions stratégiques en raison de l'insécurité due aux raids barbaresques qui ont perduré jusqu'au début du XIXe siècle. On ne compte que sept cités véritablement anciennes sur 1 000 km de côte : Ajaccio, Bonifacio, Porto-Vecchio, Bastia, Saint-Florent, Algajola et Calvi (L'Île Rousse et Cargèse ont été fondées au XVIIIe siècle, Propriano au XIXe siècle). Sur le reste du littoral ne se trouvaient que des établissements temporaires, à l'exception notable du Cap Corse tourné vers la mer et mieux défendu.

Aujourd'hui, le littoral accueille l'essentiel de la croissance démographique et de la fréquentation touristique. Les communes y sont devenues des villes. Elles conservent un noyau ancien qui a traversé les rénovations sauvages de l'après-guerre en raison de l'oubli que la Corse a longtemps connu. Elles se développent aujourd'hui par une forte croissance périurbaine assez peu maîtrisée. Sur le littoral, entièrement préservé jusqu'aux années 1960, l'expansion du tourisme balnéaire a fait éclore des zones urbanisées établies sur le territoire de communes dont le chef-lieu se situe loin en amont, sans véritable complémentarité. C'est le domaine du mitage. Cet étalement urbain s'est réalisé de manière anarchique et sans préoccupation esthétique. Il perturbe fortement le paysage des versants littoraux, qui sont souvent en situation de covisibilité des golfes. Il reste encore cependant de vastes espaces préservés objet de multiples convoitises et menacés par des appropriations sauvages que la puissance publique aura à contenir.

 

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