L’évolution des paysages ruraux et urbains


La Corse est une île étroite de 80 km de large qui culmine à 2 707 m au Monte Cinto sur l’épine dorsale montagneuse qui traverse l’île du nord au sud. Elle présente deux façades maritimes aux profils différents et se prolonge, au nord, par le Cap Corse, une longue péninsule montagneuse. L’île est cloisonnée par un relief vigoureux, les paysages naturels y sont très contrastés et la grande ligne des massifs montagneux forme une toile de fond partout présente.

À l’est, un littoral varié associe, dans sa partie méridionale golfes, falaises et plages. Plus au nord, au delà de Solenzara, lidos, estuaires, dunes et étangs côtiers sont les éléments constitutifs d’une côte linéaire et relativement plate d’où la vue embrasse l’ensemble des massifs montagneux distants de quelques kilomètres.

À l’ouest, des vallées encaissées et boisées sont dominées par les hautes crêtes souvent très proches du rivage. Au contact de la mer, ces vallées s’achèvent en une succession de golfes rocheux et accidentés, mais tapissés de plages de sable à l’embouchure des cours d’eau.

Les paysages corses associent un environnement marin, une végétation sauvage et préservée et des reliefs tourmentés ponctués de villages mis en évidence par leur situation et leur aspect monumental. Empreints d’une beauté sauvage, ces paysages ont été, en grande partie, façonnés par l’homme notamment dans le cadre de l’activité agricole. Au cours de leur évolution la plus récente, le maquis et la forêt ont progressé aux dépens des anciennes terrasses de culture, tandis que l’urbanisation grignotait le littoral. La qualité et la diversité des paysages de la Corse sont les éléments déterminants de l’attractivité qu’elle exerce sur les touristes (enquête de l’agence du tourisme de la Corse en 2009), le caractère de ses villages étant le second critère cité.

L’intérieur

Église romane Saint Michel à Murato

Jusqu’au milieu du XXe siècle, c’est dans la moyenne montagne, entre 400 m et 800 m d’altitude, que l’action de l’homme sur les paysages s’est exercée de la façon la plus intense. Pour des raisons liées à l’histoire et à la culture, c’est là que vivait la majorité de la population et que se situait l’activité agricole et pastorale qui la faisait vivre. À proximité des villages, les cultures vivrières et les vergers recouvraient les pentes d’innombrables aménagements en terrasses. À chaque village étaient associées des zones de transhumance, en montagne l’été et en plaine l’hiver. Les aménagements pastoraux, très sobres et d’une parfaite exécution, étaient totalement intégrés à leur environnement.

C’est à cet espace montagnard que se réfère l’essentiel de la tradition corse.

Les 360 communes que compte la Corse détiennent un remarquable patrimoine d’architecture rurale. La nécessité des temps ayant imposé aux hommes de vivre de façon collective, les espaces publics ont été mis en valeur dans des situations privilégiées : églises et couvents aux façades monumentales et en position dominante, places et placettes, fontaines, mairies, écoles. Partout, même dans les lieux les plus reculés, la maison focalisait l’attention des familles et témoignait de son rang par des éléments nobiliaires. Édifiées avec des matériaux issus du sol, les constructions s’intégraient remarquablement dans le paysage et étaient aussi diversifiées que les roches qui les constituaient.

On observe plusieurs clivages. Le plus apparent tient à la géologie. À la Corse granitique correspond un habitat robuste aux formes simples avec des toits de tuile ronde (les bardeaux de châtaignier ont aujourd’hui disparu). Le schiste autorise, quant à lui, des volumes plus élaborés et des toits de lauze. Mais il y a également un clivage culturel.

L’En-deçà des monts, c’est à dire la Haute-Corse, ouvert sur l’extérieur, a été fortement influencé par l’architecture italienne et ligure, qu’il s’agisse de la floraison des églises baroques ou de la structure des édifices voûtés sur plusieurs niveaux et agrémentés de volumineuses corniches. L’Au-delà des monts, qui correspond à la Corse-du-Sud, est resté plus isolé et l’influence italienne sur le bâti y est beaucoup moins sensible.

Au cours du XXe siècle, les villages se sont dépeuplés au profit du littoral, l’agriculture de montagne a régressé. Avec la déprise agro-sylvo-pastorale, l’espace s’est refermé au profit de la forêt et du maquis, faisant disparaître les paysages ruraux traditionnels. Le bâti ancien s’est fortement dégradé en raison de l’exode rural, de l’indivision et de la méconnaissance de sa valeur. Aujourd’hui, cependant, le phénomène de désertification des villages de l’intérieur semble s’être arrêté. Il y a peu d’habitants permanents mais la fréquentation estivale est soutenue. Elle est le fait des insulaires qui regagnent leur maison de famille et des touristes. Le bâti ancien est mieux entretenu. S’il n’a pas souvent été rénové en respectant les savoir-faire et les matériaux traditionnels, la tendance actuelle va vers une meilleure prise en compte de l’importance et de la qualité de ce patrimoine.

 

Village d'Avapessa en Balagne

Le littoral

Côte rocheuse occidentale dans l'extrême sud et

Sardaigne

Les seules villes du littoral étaient des citadelles établies par Gênes dans des positions stratégiques en raison de l’insécurité due aux raids barbaresques qui ont perduré jusqu’au début du XIXe siècle. On ne compte que sept communes véritablement anciennes sur 1 000 km de côte : Ajaccio, Bonifacio, Porto-Vecchio, Bastia, Saint-Florent, Algajola et Calvi (L’Île Rousse et Cargèse ont été fondées au XVIIIe siècle, Propriano au XIXe). Sur le reste du littoral ne se trouvaient que des établissements temporaires, à l’exception notable du Cap Corse tourné vers la mer et mieux défendu.

Aujourd’hui, le littoral accueille l’essentiel de la croissance démographique et de la fréquentation touristique. Les communes littorales sont devenues des villes. Elles conservent un noyau ancien qui a traversé les rénovations sauvages de l’aprèsguerre en raison de l’oubli que la Corse a longtemps connu. Elles se développent aujourd’hui par une forte croissance périurbaine assez peu maîtrisée. Sur le littoral, entièrement préservé jusqu’aux années soixante, l’expansion du tourisme balnéaire a fait éclore des zones urbanisées établies sur le territoire de communes dont le chef lieu se situe oin en amont, sans véritable complémentarité. C’est le domaine du mitage. Cet étalement urbain s’est réalisé de manière anarchique et sans préoccupation esthétique. Il perturbe fortement le paysage des versants littoraux, qui sont souvent en situation de co-visibilité des golfes. Il reste encore cependant de vastes espaces préservés objet de multiples convoitises et menacés par des appropriations sauvages que la puissance publique aura à contenir.

 

Les lois et règlements

La loi « Paysage »

La loi n° 93-24 du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages concerne tous les types de paysages naturels ou urbains, banals ou exceptionnels. Elle prévoit notamment que les documents d’urbanisme prennent en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leur évolution.

La loi « Montagne »

La loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne pose des principes originaux d’auto-développement, de compensation des handicaps et d’équilibre, pour les territoires de montagne qui présentent des enjeux spécifiques et contrastés de développement et de protection de la nature.

Distinguant zone de montagne et de massif, la loi « Montagne » a créé des institutions spécifiques, associant élus et partenaires socioprofessionnels, pour mettre en œuvre, de façon partenariale, une politique particulière de développement, d’aménagement et de protection.

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