Les milieux aquatiques continentaux

La Corse possède une diversité exceptionnelle de milieux aquatiques (torrents, rivières, lacs de montagne, fleuves, zones humides, etc.) qui forment des écosystèmes fragiles, au fonctionnement complexe, caractérisés par l’un des plus fort taux d’espèces endémiques d’Europe.

Les cours d’eau

L’originalité de la faune des eaux courantes de Corse réside à la fois dans :

  • un fort taux d’endémisme : les eaux courantes comptent près de 200 invertébrés benthiques endémiques pour la plupart localisés dans le cours supérieur des cours d’eau et dans les sources, dont environ la moitié sont endémiques stricts de Corse ;
  • de nombreuses lacunes faunistiques : la faune piscicole renferme également peu d’espèces autochtones. La truite fario de souche corse, menacée et inscrite sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la truite fario de souche méditerranéenne, l’anguille, l’alose, la blennie fluviatile et l’épinoche

Néanmoins des pressions anthropiques fortes existent et mettent en péril certains milieux à forts enjeux environnementaux en particulier au regard de la libre circulation des espèces piscicoles et du transport sédimentaire.

Cistitude sur Salvina molesta,

une petite fougère aquatique invasive originaire du Brésil.
Opération de nettoyage organisée en 2013 par l'Association
mycologique corseavec le soutient technique et
financier de la DREAL

Les organismes aquatiques, notamment les poissons, ont des besoins de déplacements ou de migrations (montaison et dévalaison) pour atteindre les habitats aquatiques indispensables à leur survie en période estivale ou à la réalisation de leur cycle biologique (reproduction, alimentation, abris). Parallèlement, la continuité écologique revêt également une composante physique liée au transport naturel des sédiments et des matériaux. Les matériaux charriés par le cours d’eau et qui se déposent, plus ou moins temporairement, déterminent ainsi la quantité et la qualité des habitats aquatiques disponibles pour les espèces.

Les ouvrages transversaux, seuils et barrages, sont une des causes principales de l’altération des conditions de continuité et constituent un facteur de risque de non atteinte du bon état écologique. Enfin le réchauffement climatique en rallongeant les durées d’étiage a déjà des conséquences sur les invertébrés endémiques qui abandonnent les stations de basse altitude et perturbent la truite, poisson d’eau froide (Travaux de l’université de Corse, Orsini, 2016).

La restauration de la continuité des cours d’eau est aujourd’hui une priorité inscrite dans le SDAGE. Par ailleurs, le classement des cours d’eau au-titre de l’article L. 214-17 du Code de l’environnement a été arrêté par préfectoral (JORF du 3 octobre 2015) et définit deux listes :

  • liste 1 : cours d’eau ou tronçons de cours d’eau qui seront préservés de tout nouvel ouvrage faisant obstacle à la continuité;

  • liste 2 : cours d’eau ou tronçons de cours d’eau pour lesquels les obstacles à la continuité doivent être équipés, gérés et entretenus dans un délai de cinq ans à compter de la publication des listes.

 

 

 Les zones humides

Échasse, ses poussins et foulques, Padulu Tortu
DREAL-SBEP, Bernard Recorbet

Le terme « zone humide » est une notion assez récente puisqu’il faut attendre la loi sur l’eau de 1992 pour en avoir une première définition réglementaire: « terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire; la végétation quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».

Plus de cinq cents zones humides, couvrant environ 22.000 hectares (soit 1 % du territoire corse) sont recensées et cinq sites sont reconnus d’importance internationale (Ramsar).

L’inventaire des zones humides de 2005, actualisé en 2010, permet de bénéficier d’une cartographie affinée, se traduisant par une augmentation des entités. La poursuite du travail sur les mares temporaires méditerranéennes ainsi que les cartographies des zones humides des bassins versants du Liamone et du Bevinco, réalisées en 2015, ont également permis de l’enrichir. Cet inventaire, non exhaustif, mérite d’être complété, notamment par la cartographie des zones humides de la région ajaccienne.

Le SDAGE 2016-2021 rappelle la nécessité de disposer à court terme d’une cartographie des zones humides au 1:25.000 et propose de définir une stratégie afin d’assurer leur préservation (gestion contractuelle, protection réglementaire, acquisition, restauration, etc.).  

 

 

Année

Nombre de zones
humides recensées

 2007 119
2010 197
2011 202

Les lagunes et les étangs littoraux

Étang de Santa Giulia
Eric Volto pour DREAL Corse

Les lagunes sont des plans d’eau littoraux, séparés de la mer par un cordon littoral appelé lido et reliés à celle-ci par un grau. Le caractère temporaire ou permanent de ces échanges avec la mer confère aux eaux lagunaires un caractère saumâtre. Les principales zones humides littorales de Corse se situent sur la côte orientale. Leur origine géomorphologique explique la profondeur et l’aspect actuel des différents types de lagunes.

Ces zones d’échanges et de transferts de matières nutritives sont particulièrement favorables au développement et à la reproduction des organismes vivants terrestres, de véritables nurseries pour les poissons, crustacés et mollusques mais également des sites d’accueil exceptionnels pour l’avifaune.

La qualité de ces milieux constitue une condition indispensable à l’exercice des activités de production qui s’y déroulent (pêche, conchyliculture) ainsi qu’à leur préservation. Il conviendra d’améliorer la connaissance sur leur fonctionnement et de développer des indicateurs.  

 

 

Les mares temporaires

Les mares temporaires dites « méditerranéennes », donc de type oligotrophe, occupent des dépressions plus ou moins fermées, de superficie et de profondeur variables (de 15 à 60 cm). Ces cuvettes au fond imperméable présentent un cycle hydrologique intimement lié aux fluctuations du climat méditerranéen : inondées de la fin de l’automne à la fin du printemps par les précipitations, elles s’assèchent dès le mois de mai du fait de l’évaporation. Cette alternance ainsi que le caractère oligotrophe des eaux ont favorisé l’établissement de peuplements floristiques originaux et diversifiés.

Les mares temporaires, qui constituent des milieux remarquables encore méconnus, sont parmi les zones humides les plus vulnérables de Méditerranée. Très présentes dans le sud de l’île, elles se situent pour la plupart à des altitudes inférieures à 300 m.

Le programme régional dédié à leur conservation a permis de compléter l’inventaire (début 2016, on recense 94 mares temporaires réparties sur 62 sites), d’améliorer les connaissances par le biais d’étude spécifiques (flore, amphibiens, branchiopodes), de réaliser un état des lieux et de définir des orientations de gestion pour la majorité des sites, de poursuivre les suivis floristiques, hydrologiques et physico-chimiques mais également d’informer et de sensibiliser les scolaires et le grand public.  

Les tourbières

Les tourbières constituent un habitat exceptionnel unique en Méditerranée, qui en Corse n’est présent que sur quatre sites : Crena et Livru (commune d’Orto) en altitude et Valdo et Baglietto en plaine (commune de Moltifao). Le site de Valdo, en forêt communale de Moltifao, correspond à la plus vaste tourbière à sphaignes connue en Corse et sans équivalent en milieu méditerranéen. Elle a été reconnue au titre de la convention de Ramsar.

Ces deux dernières tourbières sont situées dans l’horizon inférieur de l’étage mésoméditerranéen. Elles forment des paysages tout à fait insolites en Corse et renferment des espèces rarissimes.

Les forêts alluviales

Quelles soient nommées ripisylve, forêt alluviale, forêt d’inondation, etc. toutes désignent un ensemble de formations végétales (strate herbacée, arbustive, arborescente, où domine l’arbre), riveraines et en relation avec un cours d’eau, une zone humide, un marais... Leur composition floristique et leur morphologie sont liées aux inondations plus ou moins fréquentes et / ou à la présence de nappes peu profondes. 

En bordure de cours d’eau, la forêt alluviale ou forêt de lit majeur se distingue du boisement de berge, situé à proximité du lit mineur. La ripisylve et le bois mort présent dans les rivières jouent des rôles essentiels dans le fonctionnement naturel de ces hydrosystèmes pour lesquels il conviendrait de mettre en œuvre des démarches de gestion effective.

Les lacs et pozzines de montagne

Lac de l'Oriente
OEC, Laurent Sorba

Si la Corse est connue pour son littoral exceptionnel, elle ne l’est pas moins pour la beauté des paysages qu’offrent les lacs de ses montagnes. En fonction de la définition choisie, on compte d’une quinzaine à une quarantaine de lacs sur les divers massifs de l’île. Ils présentent une grande variété en terme d’altitude, de profondeur ou de surface.

Tous les lacs d’altitude de Corse sont d’origine glaciaire. On peut opposer les lacs situés dans les vallées en auge typiquement glaciaires, comme la vallée de la Restonica, aux lacs de cirque (la grande majorité des lacs corses). Les pozzines correspondent au stade de comblement avancé d’un lac de montagne.

La fréquentation mal canalisée jouerait un rôle néfaste dans le maintien de ces écosystèmes. Il y a une vingtaine d’années, un état des lieux des principaux lacs de montagne corses a été réalisé. Depuis, certains ont fait l’objet d’études ou de suivis ponctuels, en particulier par le Parc naturel régional de la Corse, mais aucune démarche pérenne n’a été mise en place.

Un programme d’étude a débuté en 2006, et a permis d’effectuer un état zéro. Aujourd’hui, six d’entre eux sont suivis régulièrement pour les compartiments suivants : invertébrés benthiques, populations algales, ichtyologie et physicochimie. Le but est double : évaluer l’impact des changements climatiques, mais également de la pression anthropiques sur ces sites. Des sites vont être équipés prochainement de sondes afin de suivre en continu certains paramètres.

  

 Les plaines et collines exploitées

Anciennes terrasses du village de Nonza au Cap Corse
Gilles Porre

Située à l’étage mésoméditerranéen, l’entité « plaines et collines exploitées » comprend toutes les plaines alluviales et les collines qui les bordent. Les milieux rencontrés dans cette entité sont des prairies permanentes, des vergers et des oliveraies, et d’autres terres cultivées, en particulier le maraîchage et la viticulture

La plus importante des plaines en superficie (12 % de la surface insulaire) est la plaine orientale qui s’étend de Bastia à l’embouchure de la Solenzara. 

Ces milieux modifiés, offrent d’importantes zones ouvertes, souvent en mosaïque, avec des milieux plus fermés. Ils capitalisent ainsi le double avantage des sites ouverts riches en plantes à fleurs (notamment prairies à orchidées sauvages), donc riches en insectes et par suite propices pour la petite faune insectivore, associés à des sites boisés assurant un nécessaire « refuge » pour de nombreuses espèces, notamment, de la petite faune sauvage. À titre d’exemple, ces milieux sont très favorables à la tortue d’Hermann, au guêpier d’Europe ainsi qu’au milan royal ou à l’oedicnème criard.

 

 

Les villes, villages et jardins

Compte tenu de la forte proximité avec les milieux naturels du tissu urbain insulaire, les espèces présentes dans ces espaces sont souvent originales et patrimoniales.

Les espèces communes sont par ailleurs souvent de bons indicateurs de l’état de la biodiversité dans les zones proches : pollinisateurs, coccinelles, papillons des jardins etc. L’intégration de la nature en ville par les collectivités est donc une démarche nécessaire.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Trame verte et bleue (TVB) en Corse des projets de type « nature en ville » voient le jour (création de jardins partagés, rénovation de jardins patrimoniaux, etc.). Dans le but d’atteindre au mieux les objectifs du « Grenelle II », il parait ici important d’intégrer le particularisme du tissu urbain insulaire, des problématiques liées à l’urbanisation des espaces ainsi que la répartition des espèces végétales notamment. Une réflexion importante a lieu par ailleurs sur les espèces envahissantes : détermination, localisation, suivi et contention, et bien sûr, sensibilisation à la non-introduction d’espèces exogènes.  

 Le milieux littoral, rocheux et sableux

Le milieu littoral rocheux

Une grande partie des côtes de Corse est rocheuse, avec un relief plus ou moins accentué. En fonction de la morphologie (de la pente surtout) et du degré de compaction du substrat, on peut distinguer :

  • des falaises de pente et de roche variables (falaises calcaires de Bonifacio, rhyolitiques de Scandola) ;
  • des plates-formes plus ou moins larges, dues à une érosion marine datant du quaternaire récent, recouvertes çà et là de dépôts détritiques (sables et graviers) plus ou moins épais (Testa Ventilegne, sud de Campomoro, etc.).

Les végétaux liés à ces milieux doivent obligatoirement posséder des adaptations physiologiques qui les rendent aptes à supporter des concentrations plus ou moins fortes en sels. Malgré ces conditions extrêmes, le littoral rocheux accueille une diversité d’espèces floristiques présentant un fort endémisme, en particulier celles du genre Limonium dont quatre sont classés en danger dans la liste rouge régionale de la flore vasculaire de Corse.
Le cormoran huppé de Méditerranée, le goéland leucophée, le goéland d’Audouin, le balbuzard pêcheur et le faucon pèlerin constituent les espèces faunistiques les plus caractéristiques.  

 

 

Le milieu littoral sableux (plages et arrière-plages)

Plage de Capu Larausu à Propriano
ODDC

 

Les plages de sable constituent la majorité du littoral de la côte orientale entre Bastia et Solenzara et sont ponctuelles ailleurs. Dans les secteurs à vent dominant favorable se sont constituées des dunes dont certaines sont encore bien conservées.

Les plages et arrière-plages accueillent de nombreuses espèces et habitats rares et menacés comme les « dunes à genévriers », habitat prioritaire de la directive « Habitats ». Quant à l’escargot de Corse (Tyrrhenaria ceratina), il n’est connu que dans une seule station au monde, le site de Campo dell’Oro prés d’Ajaccio. Plusieurs plantes dont la buglosse crispée sont classées en danger dans la liste rouge régionale de la flore vasculaire de Corse.

Ces milieux sont les plus menacés en Corse (avec en prime la hausse du niveau de la mer et l’atteinte au trait de côte). Les principales menaces qui pèsent sur ces sites littoraux sont la fréquentation touristique très importante (piétinement), les installations de plage non maîtrisées, la pratique de sports motorisés (4×4, quad, etc.).

Les acquisitions du Conservatoire du littoral assurent une protection efficace de ces milieux mais ne représentent qu’une assez faible part des plages concernées.

Les îlots marins

Îlot du Toro
OEC, Olivier Bonnenfant

La Corse est environnée de nombreux îlots satellites peu éloignés des côtes et de petite taille dont 111 sont colonisés par des plantes vasculaires. Plus de 80 % d’entre-eux ont des superficies comprises entre 0,1 et 5 ha. Les deux plus grandes îles, Cavallo et Lavezzu, atteignent seulement 113 ha et 66 ha. Ces îlots présentent le même substrat géologique que la Corse et n’en sont séparés que par d’assez faibles profondeurs.

Ils abritent une végétation remarquable mais fragile qui a su composer avec des conditions de vie extrêmes (embruns marins) mais qui doit faire face aujourd’hui aux impacts des activités humaines.  Malgré cela, certains îlots satellites conservent une grande valeur patrimoniale :

  • deux espèces, non présentes en France continentale, ont leur unique station corse sur un îlot : l’ipomée sagittée (Ipomoea sagitatta) sur l’île Lavezzu et le champignon de Malte (Cynomorium coccineum) sur l’île Ratino ; la nananthée de Corse (Nananthea perpusilla) est uniquement présente en France sur six îlots satellites ;
  • plusieurs îlots montrent des taxons endémiques rares, tel le silène velouté (Silene velutina), endémique corso-sarde.

La faune est principalement constituée d’oiseaux marins nicheurs (goéland d’Audouin, puffin cendré, cormoran huppé de Méditerranée, etc.).  

Deux espèces d’amphibiens et six espèces de reptiles ont été observées sur 80 des îlots pourvus de plantes vasculaires.

Les principales menaces pesant sur cette faune micro-insulaire concernent la nidification de certains oiseaux rares et menacés : dérangement des oiseaux lors des périodes de nidification et prédation des poussins par les rats.

En Corse, les îlots marins bénéficient d’un statut fort de protection et de mesures de gestion dans les réserves naturelles : archipel des îles Lavezzi, archipel des îles Cerbicale, îles du Cap Corse, etc.

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