L’état de la ressource

La préservation de l’environnement marin, la qualité exceptionnelle des eaux, la présence de territoires de pêche encore inexploités, notamment dans les eaux territoriales (douze milles nautiques), la présence de nombreux golfes qui constituent des abris naturels constituent des conditions très favorables à l’exploitation des ressources halieutiques en Corse.

La bande côtière présente une grande variété de fonds (roches, sables, herbiers), propice au développement d’une faune marine très diversifiée comprenant des espèces pêchées emblématiques à haute valeur ajoutée (langouste rouge, homard, oursin, denti, mérou, thon rouge et espadon, etc.) mais pour laquelle une insuffisance de données ne permet pas de quantifier l’état des stocks.

Depuis le 1er janvier 2007, l’accompagnement de la filière pêche est encadré, par décision de l’Assemblée de Corse, par l’Office de l’environnement de la Corse à travers la mise en oeuvre d’une politique de promotion du développement durable et de la préservation de la ressource.

Les scientifiques (Stareso, Université de Corse, Stella Mare, Ifremer), ainsi que l’OEC, en partenariat avec les professionnels, étudient les populations d’espèces telles que la langouste rouge, le denti, l’oursin, l’anguille, l’espadon et réalisent des travaux de recherche en aquaculture. L’influence du réchauffement climatique sur la ressource (populations et répartition géographique) est encore mal connue et fait l’objet de travaux.    

La pêche professionnelle

La pêche professionnelle est pratiquée sur tout le littoral insulaire, soit une bande côtière longue de 1 043 kilomètres et comprise entre 0 et 12 milles nautiques, mais s’exerce à 80 % entre 0 à 3 milles pour des profondeurs variant de 0 à 600 mètres.

La flotte et les techniques de pêche

Répartition des métiers de la pêche
Source : OEC, 2016

La flottille de pêche corse comprend 191 unités réparties sur quatre segments d’activité :

  • les « petits métiers côtiers », principalement des pointus de six à neuf mètres (les plus nombreux) : 179 licences ;
  • les « petits métiers du large » (palangriers, etc.) : quatre licences ;
  • les chalutiers (huit licences de chalut de fonds et pélagiques), principalement sur la côte orientale ;
  • les corailleurs avec une autorisation annuelle limitée à neuf armements.

Cette flotte, qui est restée très artisanale (embarcations de petit format) se caractérise par :

  • l’âge important des bateaux : malgré l’effort de modernisation de la profession soutenu par la CTC, l’État et l’Europe, seuls 50 % des navires ont été renouvelés ou modernisés et la moyenne d’âge des bateaux est d’environ trente ans ;
  • l’inadaptation de la flottille à la diversification liée au contingentement de capacité de puissance motrice et de jauge pour renouveler et réorienter la flotte et ses activités. À cela s’ajoutent également des contraintes réglementaires européennes (par exemple nombre limité d’autorisations européennes de pêche (AEP), quotas, etc.).

Les pêcheurs corses doivent par ailleurs faire face aux contraintes liées à l’insularité (surcoût du carburant, des approvisionnements et des matériels) et à la très forte saisonnalité de leur activité dépendant essentiellement de la fréquentation touristique.

Les engins de pêche utilisés (filets trémails, mailles à poissons, casiers ou palangres) fournissent une production très diversifiée estimée à 1.200 tonnes par an, toutes espèces confondues (poissons blancs, poissons de roches, langoustes rouges et autres crustacés, petits et grands pélagiques, céphalopodes, oursins, etc.). Les campagnes de pêche sont journalières, voire à la demi-journée. La pêche concerne différentes espèces en fonction des saisons (cueillette des oursins en hiver, pêche de la langouste de mars à septembre, pêche au filet) et n’est pratiquée qu’une partie de l’année par de nombreux bateaux. Les pêches aux filets trémail et mono-fils constituent la majorité des engins utilisés.

Les chalutiers, quant à eux, opèrent toute l’année, principalement de Bastia jusqu’au sud de Porto-Vecchio, sur la côte orientale mais le nombre de bateaux reste très limité (huit). Une tentative de redéploiement des efforts de pêche vers les espèces hauturières (thons, espadon, pélamides) a été limitée par les contraintes européennes (autorisation européenne de pêche, AEP) ainsi que par le renforcement des quotas de capture pour le thon rouge et une période de fermeture élargie pour les espadons (trois mois).  

Le cas particulier de la langouste rouge européenne

La langouste rouge (Palinurus elephas) est un crustacé de grande importance économique en Méditerranée. En 1956, le professeur F. Doumenge décrivait déjà cette pêche comme étant la plus rémunératrice et la plus régulièrement pratiquée sur le littoral rocheux de la Corse (300 tonnes par an à l’époque). On observe aujourd’hui une baisse des productions qui semble imputable à une érosion du stock.

Les études menées depuis plus de dix ans ont montrées que la réduction de la taille des prises permet d’affirmer que nous sommes dans un cas de surexploitation. L’ensemble de la communauté scientifique ayant travaillé sur le sujet est unanime pour affirmer que le filet trémail (engin non sélectif) et sa mauvaise utilisation (calées trop longues) en sont les principales causes. Toutes les pêcheries de langoustes dans le monde ayant utilisé le filet trémail ont périclité et seules demeurent pérennes celles utilisant des nasses. Certaines se sont mêmes totalement reconstituées grâce aux nasses.

Un plan de gestion durable de la ressource de langouste rouge, unique en Europe, a été lancé dès le mois de mars 2011, en partenariat avec l’État, les prud’homies de pêche de Corse et le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Corse (CRPMEM). L’Office de l’environnement a accompagné ainsi un programme expérimental destiné à optimiser la mise en oeuvre progressive de techniques de pêche plus sélectives, sur la base d’une expérimentation du retour à la pêche à la nasse. Cela a permis de pratiquer la pêche de cette espèce au seul moyen des nasses pendant un mois de chaque année de 2011 à 2013.

Cette expérimentation, largement suivie par les pêcheurs langoustiers, leur a permis de tester en vrai grandeur un nouvel engin de pêche plus sélectif. Les premiers résultats de cette expérimentation ont montré que de l’état actuel du stock ne permet pas, à court terme, un arrêt définitif de la pêche au filet au profit de la nasse.  Cette expérimentation a cependant permis une réappropriation de cette technique par une partie de la profession et doit être considérée comme une première étape vers une gestion plus durable de cette ressource clé pour la pêche artisanale corse.

Par ailleurs, l’Office de l’environnement de la Corse, à travers la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio, a mis en place en 2010 une campagne de marquage de langoustes rouges grâce à un partenariat technico-scientifique avec la prud’homie des pêcheurs de Bonifacio.

Cette opération, débutée dans le cadre d’un projet européen, vise à marquer toutes les langoustes capturées sous tailles par les pêcheurs professionnels avant de les relâcher sur zone.
Elle permet d’analyser les déplacements , d’avoir un effet pédagogique et formateur très important auprès des pêcheurs qui suivent le devenir de ces jeunes individus et une prise de conscience de l’importance de la remise à l’eau de cette catégorie d’individus. Il est envisagé d’étendre ce type de suivi sur la prud’homie d’Ajaccio (les démarches sont en cours). Le second volet du plan a consisté en la création d’un centre - laboratoire - réseau méditerranéen de recherche en Corse sur la langouste en vue d’opérations de repeuplement et de maîtrise de l’élevage.
 

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