Le risque d’incendie de forêts

Incendie dans la vallée de la Gravona en juillet 2009.
DREAL-SBEP, Bernard Recorbet

Le risque d’incendie est un risque naturel majeur pour la Corse dont la puissance dépend étroitement des conditions météorologiques, ainsi que de la nature et du volume de la végétation.
Il est susceptible de toucher l’intégralité du territoire. Il concerne la population dans son ensemble, les résidents en premier lieu, mais, aussi les visiteurs de passage.

Bien que l’île ait toujours connu des incendies de très grande ampleur, extrêmement dévastateurs pour les hommes, les milieux et les animaux, depuis une cinquantaine d’années, le contexte a beaucoup évolué. Désertification, abandon des pratiques pastorales, engouement pour les activités de loisir en milieu naturel et changement climatique se conjuguent, rendant le phénomène incendie encore plus complexe et obligeant de manière accélérée à une optimisation des moyens tant humains que financiers. La sécurité humaine est maintenant en première ligne.

Le territoire

Le territoire corse constitue un milieu favorable à la propagation des incendies de forêts du fait de sa topographie accidentée et de la présence de végétation combustible sur l’intégralité de ses communes.

En milieu rural, là où les alentours des villages étaient entretenus par une agriculture vivrière se développe, aujourd’hui, librement le maquis. En plaine, les constructions s’éparpillent toujours plus loin des villages, au sein des espaces naturels. Cette urbanisation diffuse complexifie l’action des secours en raison de la multiplicité des points sensibles à défendre. D’autant plus que les dessertes routières ne permettent pas d’intervenir en toute sécurité dans les nombreuses zones urbanisées. La faiblesse des ressources en eau de certaines zones handicapent également les opérations de lutte.

Les grands massifs forestiers de l’intérieur sont désormais interconnectés par une végétation quasi continue, arborescente ou arborée, dense et peu contenue par l’élevage : les milieux se ferment en raison de la faible présence humaine. L’importance de la « masse combustible » insulaire peut rendre les incendies particulièrement violents, ce qui menace aussi, les différentes espèces présentes dans les espaces naturels, comme la tortue d’Hermann. Outre la puissance du feu, c’est surtout la fréquence des incendies qui perturbe les écosystèmes en provoquant érosion des sols et homogénéisation des paysages.

L’activité humaine

La cause principale d’incendies reste d’origine humaine, qu’elle soit volontaire ou involontaire. La population s’est concentrée autour des agglomérations et s’accroît notablement en juillet et août. Ainsi, le risque sur le littoral s’est accentué. Parallèlement, la pénétration des milieux naturels est rendue plus aisée par la densification du réseau de sentiers de randonnée dont l’accès reste très limité aux services de lutte. Enfin, le savoir-faire en matière d’usage du feu à des fins de réouverture du milieu, pratiqué traditionnellement dans des cadres très précis, s’est perdu.

Les effets du changement climatique

Propice aux incendies de forêts, le climat méditerranéen se caractérise par des températures élevées, une forte sécheresse et des vents violents fréquents. Ce climat induit une végétation adaptée mais extrêmement réactive au feu. En outre, une aggravation des événements climatiques violents et répétés est avérée. Sécheresses répétées, tempêtes violentes, précipitations érodant le sol sont naturellement des facteurs de départs et de propagation des incendies.

Quelques chiffres sur les incendies en Corse

Une diminution des incendies et de leurs conséquences

Incendie en zone péri-urbaine, Ajaccio
ODDC, G.Winterstein

L’analyse statistique du phénomène incendie en Corse sur la période 2006-2015 s’appuie sur la base de données Prométhée mise en place en 1973. C’est la base de données officielle pour les incendies de forêts des quinze départements du Sud-est méditerranéen français. Dès 1973, l’État a décidé de se doter, pour cette zone très sensible, d’un outil permettant le recensement des feux de forêts au sein d’une base de données unique.

Le bilan définitif d’une année (chiffres consolidés) est arrêté au 31 janvier de l’année suivante. Des tris sont possibles selon la nature (feu de forêt et autres feux de l’espace rural et périurbain, autres feux de l’espace rural et périurbain), la zone géographique, la période, la nature de la cause, etc.

Les données sont consultables sur internet :

D’une année à l’autre, les départements de la Corse présente d’importantes variations du nombre total d’incendie et de surfaces consumées. Les valeurs observées pour ses deux départements restent fréquemment supérieures à celles des autres départements continentaux de la zone de défense sud.  On constate néanmoins une baisse du nombre d’incendies à des valeurs très inférieures à celles de la décennie précédente (– 28 % entre les périodes 1996-2005 et 2006-2015).  Cette diminution est encore plus marquée si l’on s’intéresse aux surfaces consumées.  Ainsi, entre les périodes 1996-2005 et 2006-2015, la superficie totale brûlée est divisée par cinq.  Cette baisse remarquable est notamment le résultat des actions engagées sur le débroussaillement et sur l’amélioration des dispositifs de lutte.  Ces actions doivent donc être poursuivies afin de continuer sur cette dynamique.

L’analyse de la répartition temporelle des incendies en Corse sur la période 2006-2015 montre que deux feux sur trois ont lieu durant les mois de juin à octobre, et correspondent à 86 % des surfaces consumées.  Dans la majorité des cas (60 %), ils se déclarent entre onze heures et dix sept heures, aux heures les plus sèches.  Cependant, on remarque depuis quelques années une tendance à l’augmentation des départs de feux durant la nuit. Près de 98 % des feux sont maîtrisés avant qu’ils ne dégénèrent et ne parcourent plus de dix hectares mais un petit nombre de feux engendre l’essentiel des surfaces brûlées (2 % du nombre total des feux parcourent 80 % de la superficie totale incendiée).

Des causes de départ de feux majoritairement d’origine humaine et souvent volontaire

Si la propagation des incendies de grande ampleur est due à des causes naturelles, à savoir une sécheresse combinée à des vents violents, les causes des départs de feux sont majoritairement d’origine humaine. Ainsi, sur la période 2006-2015, les incendies d’origine humaine volontaire (incluant les feux dits pastoraux, ceux liés à des conflits de chasse, à la pyromanie, aux vengeances) représentent 50 % du total des causes connues.

Les incendies d’origine involontaire ont des causes variées : imprudence des particuliers (27 %), travaux en extérieurs (11 %) et autres incidents (véhicules, lignes électriques, dépôts d’ordures, 6 %).

Les feux d’origine naturelle (seulement dus à la foudre) ne représentent que 7 % du total connu mais peuvent engendrer des dégâts importants en surface en raison de la localisation des impacts souvent éloignés des voies de communication.

La politique régionale de prévention

Depuis le début des années 1990, la prévention des incendies a fait l’objet de plan dans chaque département. Depuis 2006, une politique régionale est menée à travers le Plan de protection des forêts et des espaces naturels contre les incendies (PPFENI). Le plan actuel fixe les priorités en matière de politique interdépartementale et interservice jusqu’en 2022.

Conforme aux orientations du Code forestier et s’appuyant sur le bilan positif de la politique conduite précédemment qui reposait sur la sensibilisation d’une part, l’équipement et la compartimentation du territoire d’autre part, les partenaires régionaux et départementaux impliqués dans la prévention et la lutte contre les incendies ont souhaité affirmer une politique claire, selon deux objectifs fondamentaux : réduction du nombre de feux et réduction des surfaces brûlées.

Réduire le nombre de feux

L’objectif 1 veut prévenir le risque d’incendies par la réduction du nombre de départs de feux :

  • la Corse subit encore un nombre de départs de feux trop important, majoritairement issus des diverses activités humaines et le plus souvent involontaires ;
  • l’amélioration de la connaissance des causes d’incendies est destinée à favoriser des interventions précises et ciblée.L’outil principal développé repose sur la communication et l’éducation au risque incendie. Réduire le nombre d’incendies imputés à des causes accidentelles serait une marge de progrès significative bien que certaines causes, en particulier naturelles, demeurent hors de ce champ d’intervention.

Réduire les surfaces brûlées et les dégâts

L’objectif 2 cherche à réduire les surfaces parcourues par les incendies et limiter leurs conséquences en protégeant les personnes, les biens, les activités économiques et sociales et les milieux naturels.

L’intervention sur feux naissants est la stratégie privilégiée par les forces de lutte. Mais, il est admis, au vu de la superficie de la Corse, que cela n’est pas toujours possible et que la lutte aérienne ne peut être la seule alternative. Si l’incendie a pris trop d’ampleur, il ne peut être traité que par la localisation raisonnée d’un réseau de coupures de combustible, les ZAL (zones d’appui à la lutte), de manière à isoler les différents massifs les uns des autres.

Ce cloisonnement ne peut pas être seulement passif. Pour arrêter véritablement un incendie puissant, la présence des forces de lutte est indispensable sur ces ouvrages débroussaillés et équipés de points d’eau.  Pistes et points d’eau contribuent à l’intervention des forces de lutte.  La création de ces ouvrages est planifiée dans vingt Plans locaux de protection contre les incendies (PLPI). Elle n’est pas encore complètement finalisée.

D’autre part, une vingtaine de sites forestiers remarquables bénéficient d’une gestion préventive renforcée par le biais des PRMF (Protection rapprochée de massifs forestiers), accentuant notamment la protection des usagers fréquentant de plus en plus ces milieux.

Parallèlement à ce dispositif d’équipement du territoire, la population est dans l’obligation de procéder au débroussaillement légal autour des constructions, et les décideurs de veiller à la bonne application de la réglementation ainsi qu’à la densification de l’urbanisation.
Les moyens de lutte pourraient alors se consacrer plus particulièrement à la protection de la forêt et des espaces naturels.

Comprendre, communiquer et organiser

Le PPFENI, en plus des deux objectifs cités, comporte un troisième volet : comprendre, communiquer et organiser. Il consiste à mieux articuler, dans le contexte institutionnel existant, les responsabilités de chacun des acteurs susceptibles d’avoir un impact sur le phénomène d’incendies. Il vise, à ce titre, à une plus grande concertation entre chercheurs, opérationnels et responsables élus à l’échelle de la Corse. L’implication des élus constitue la clef de voûte du dispositif et l’une des orientations fortes du plan. Enfin, le PPFENI vise à sensibiliser et informer les publics concernés par le risque incendie, afin de les responsabiliser.

Les vingt fiches-actions du plan organisent les rôles de chacun : de l’État, d’abord, dont c’est la responsabilité d’assurer la concertation départementale et régionale autant que de mener ses missions régaliennes (contrôle opérationnel des ouvrages, débroussaillement légal, etc.), mais aussi des services de lutte, des organismes socioprofessionnels concernés et de l’ensemble des collectivités territoriales qui sont au coeur de la logique territoriale du plan.

La carte quotidienne du risque incendie

La carte du risque d’incendie pour les activités
de pleine nature sur le site internet
de la préfecture de la Corse.

Pendant la saison des feux de forêts, la préfecture de Corse communique sur l’intensité du risque d’incendie. Celui-ci est calculé chaque soir pour la journée du lendemain. Cela se traduit par l’élaboration quotidienne d’une carte du risque destinée à informer :

  • les personnes qui souhaitent prévoir des activités de pleine nature (randonnée, VTT, escalade, activités nautiques, loisirs motorisés, etc.) avec un niveau de risque affiché selon quatre couleurs :
  • les entrepreneurs et agents des services municipaux qui envisagent des travaux en extérieur (fauchage, goudronnage, gyrobroyage, soudure, meulage, etc.).

Cette carte est consultable sur le site de la préfecture de Corse et de la Haute-Corse :

Elle est envoyée automatiquement chaque soir, de juin à fin septembre, à une liste de destinataires composée d’élus, de professionnels du tourisme (montagne, activités de pleine nature, hôtels, campings, etc.) et de particuliers soucieux d’être informés quotidiennement sur le risque. Elle permet également aux agents du PNRC et de l’ONF d’afficher chaque soir le niveau de risque du lendemain sur les panneaux placés dans les massifs faisant l’objet d’une protection rapprochée. Sur smartphone, une fonction de géolocalisation permet de voir la couleur du risque assignée à la zone dans laquelle on se trouve. 

 

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