La montagne

Bergeries de Teghia, Niolu
DREAL-SBEP, Bernard Recorbet

Jusqu’au milieu du XXe siècle, c’est dans la moyenne montagne, entre 400 et 800 m d’altitude, que l’action de l’homme sur les paysages s’est exercée de la façon la plus intense. Pour des raisons liées à l’histoire et à la culture, c’est là que vivait la majorité de la population et que se situait l’activité agricole et pastorale qui la faisait vivre.

À proximité des villages, les cultures vivrières et les vergers recouvraient les pentes d’innombrables aménagements en terrasses. À chaque village étaient associées des zones de transhumance, en montagne l’été et en plaine l’hiver. Les aménagements pastoraux, très sobres et d’une parfaite exécution, étaient totalement intégrés à leur environnement. C’est à cet espace montagnard que se réfère l’essentiel de la tradition et de l’identité de la Corse.

Les 360 communes que compte la Corse détiennent un remarquable patrimoine d’architecture rurale.
La nécessité des temps ayant imposé aux hommes de vivre de façon collective, les espaces publics ont été mis en valeur dans des situations privilégiées : églises et couvents aux façades monumentales et en position dominante, places et placettes, fontaines, mairies, écoles. Partout, même dans les lieux les plus reculés, la maison focalisait l’attention des familles et témoignait de son rang par des éléments nobiliaires. Édifiées avec des matériaux issus du sol, les constructions s’intégraient remarquablement dans le paysage et étaient aussi diversifiées que les roches qui les constituaient.

On observe plusieurs clivages. Le plus apparent tient à la géologie. À la Corse granitique corresponds un habitat robuste aux formes simples avec des toits de tuile ronde (les bardeaux de châtaignier ont aujourd’hui disparu). Le schiste autorise, quant à lui, des volumes plus élaborés et des toits de lauze. Mais il existe également un clivage culturel. L’En-deçà des monts, c’est-à-dire la Haute-Corse, ouvert sur l’extérieur, a été fortement influencé par l’architecture italienne et ligure, qu’il s’agisse de la floraison des églises baroques ou de la structure des édifices voûtés sur plusieurs niveaux et agrémentés de volumineuses corniches. L’Au-delà des monts, qui correspond à la Corse-du-Sud, est resté plus isolé et l’influence italienne sur le bâti y est beaucoup moins sensible.

Au cours du XXe siècle, les villages se sont dépeuplés au profit du littoral, l’agriculture de montagne a régressé. Avec la déprise agro-sylvo-pastorale, l’espace s’est refermé au profit de la forêt et du maquis, faisant disparaître les paysages ruraux traditionnels. Le bâti ancien s’est fortement dégradé en raison de l’exode rural, de l’indivision et de la méconnaissance de sa valeur.

Aujourd’hui, cependant, le phénomène de désertification des villages de l’intérieur semble s’être arrêté. Il y a peu d’habitants permanents mais la fréquentation estivale est soutenue. Elle est le fait des insulaires qui regagnent leur maison de famille et des touristes. Le bâti ancien est mieux entretenu. S’il n’a pas souvent été rénové en respectant les savoir faire et les matériaux traditionnels, la tendance actuelle va vers une meilleure prise en compte de l’importance et de la qualité de ce patrimoine.

Le littoral

Côte rocheuse occidentale dans l'extrême sud et
Sardaigne
ODDC

Les seules villes du littoral étaient des citadelles établies par la République de Gênes dans des positions stratégiques en raison de l’insécurité due aux raids barbaresques qui ont perduré jusqu’au début du XIXe siècle. On ne compte que sept cités véritablement anciennes sur 1 000 km de côte : Ajaccio, Bonifacio, Porto-Vecchio, Bastia, Saint-Florent, Algajola et Calvi (L’Île Rousse et Cargèse ont été fondées au XVIIIe siècle, Propriano au XIXe). Sur le reste du littoral ne se trouvaient que des établissements temporaires, à l’exception notable du Cap Corse tourné vers la mer et mieux défendu.

Aujourd’hui, le littoral accueille l’essentiel de la croissance démographique et de la fréquentation touristique. Les communes y sont devenues des villes. Elles conservent un noyau ancien qui a traversé les rénovations sauvages de l’après-guerre en raison de l’oubli que la Corse a longtemps connu. Elles se développent aujourd’hui par une forte croissance périurbaine assez peu maîtrisée.

Sur le littoral, entièrement préservé jusqu’aux années 1960, l’expansion du tourisme balnéaire a fait éclore des zones urbanisées établies sur le territoire de communes dont le chef-lieu se situe loin en amont, sans véritable complémentarité. C’est le domaine du mitage. Cet étalement urbain s’est réalisé de manière anarchique et sans préoccupation esthétique. Il perturbe fortement le paysage des versants littoraux, qui sont souvent en situation de co-visibilité des golfes. Il reste encore cependant de vastes espaces préservés objet de multiples convoitises et menacés par des appropriations sauvages que la puissance publique aura à contenir.

 

 

Les outils de connaissance et de suivi des paysages

L’Atlas des paysages de Corse

Il s’agit d’un outil de connaissance de référence du paysage qui participe à la couverture nationale des paysages de France. Il a été finalisé et diffusé largement en 2014 auprès des collectivités et maîtres d’oeuvre. Cet atlas vise à identifier, qualifier et caractériser tous les paysages de la Corse, qu’il s’agisse de parties de territoire urbaines, périurbaines, rurales ou naturelles, des plus remarquables aux plus dégradées. Il rend compte de la singularité de chacun des paysages qui composent ce territoire, de la façon dont il est perçu, a été façonné et évolue, et des enjeux qui y sont associés. Il est entièrement disponible sur le site de la DREAL (http://www.corse.developpement-durable.gouv.fr/atlas-des-paysages-de-corse-r42.html) ou en format CD Rom sur demande auprès de la DREAL. 

Un Observatoire photographique du paysage

Mis en oeuvre dans le cadre de l’Observatoire du développement durable, ce système d’observation intègre des fonds de séries photographiques pour analyser les mécanismes de transformation des espaces ainsi que les rôles des différents acteurs qui en sont la cause de façon à orienter favorablement l’évolution du paysage. Il peut remplir la fonction d’outil d’évaluation des actions paysagères mises en oeuvre. Grâce à la reconduction photographique, il permet de mesurer visuellement les évolutions du paysage en inscrivant celui-ci dans la durée. Depuis 2012, trois itinéraires photographiques (point zéro de l’observation des paysages, via la photographie, permettant la comparaison et l’analyse de leur évolution dans le temps) ont été réalisés en Balagne, dans l’extrême Sud et sur le territoire de Bastia sud–Marana. Un projet de suivi photographique des paysages du littoral vus depuis la mer est en cours. Il vise à mieux appréhender les facteurs d’évolution du littoral et à assurer un suivi dans le temps. Une base de données de dix mille clichés géoréférencées a été établie en 2010. Une reconduction d’une mission photographique est envisagée en 2017 ainsi que le développement d’un outil géomatique afin de pouvoir réaliser des analyses comparatives.

Les outils développés dans le cadre de programmes européens

Des outils ont été développés dans le cadre de programmes européens, tels que le projet Lab. net+ PO Maritime, conduit en coopération avec la Sardaigne, la Toscane et la Ligurie, qui a permis de réaliser six publications sur le thème de la connaissance, de la protection et de la valorisation des paysages, du patrimoine et des identités locales. Le projet Accessit, programme opérationnel du PO Maritime, piloté par la Collectivité territoriale de Corse, a pour objectif la création d’un réseau des itinéraires du patrimoine entre la Corse, la Sardaigne, la Toscane et la Ligurie. Ce projet a permis la création d’outils de communication favorisant l’accessibilité comme le site internet dédié aux sentiers du patrimoine, la mise en place de bornes interactives sur ces sentiers, la réalisation de travaux, la mise en place de formations pour les entreprises et les publics en insertion sur la technique pierre sèche.

Des fiches techniques

Des fiches techniques sur les savoirs traditionnels dans l’utilisation de la pierre sèche et de la chaux et l’identification des matériaux sont réalisées et éditées par l’Office de l’environnement (menées en collaboration avec l’école d’Avignon pour les techniques à la chaux avec des partenaires européens pour les techniques pierre sèche et des partenaires nationaux dont le BRGM). Le syndicat mixte du pays de Balagne mis en oeuvre sur son territoire des formations qualifiantes liées aux constructions de pierre sèche et à l’emploi de la chaux.
 

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