Les objectifs de qualité paysagère

Pour mener véritablement des « politiques de paysage » au sens de la Convention européenne du paysage, c’est-à-dire « formuler des principes généraux, des stratégies et des orientations » en matière de paysage, la France a traduit dans son droit interne le concept des « objectifs de qualité paysagère ». Il est issu du traité européen et défini comme « la formulation par les autorités publiques compétentes, pour un paysage donné, des aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie ».

Formuler des « objectifs de qualité paysagère » permet de comprendre comment le paysage évolue dans le temps et de réfléchir de manière concertée à son évolution. Les objectifs de qualité paysagère constituent des orientations stratégiques et spatialisées, qu’une autorité publique se fixe en matière de protection, de gestion ou d’aménagement de ses paysages. Énoncés et portés par cette autorité publique, à l’issue d’une large concertation, ils visent à faciliter l’émergence d’un projet de territoire partagé, et à orienter la définition et la mise en oeuvre ultérieure des projets au sein du territoire considéré.

Cette démarche vise à appréhender de manière positive le devenir des paysages dès lors que s’élabore une stratégie sur ce territoire. Cette action vise en particulier : les schémas de cohérence territoriale (ScoT), les plans locaux d’urbanisme (PLU), la Charte du Parc naturel régional de Corse et les plans de paysage. Ces outils sont complémentaires pour assurer une prise en compte active des paysages dans la définition des projets de territoire. Les SCoT et les chartes de PNR traduisent le projet stratégique d’un territoire. Ils sont donc des documents pivots pour la formulation des « objectifs de qualité paysagère ».

Port de Centuri (Cap Corse)
Gilles Porre

La prise en compte des paysages dans les documents d’urbanisme, inscrite dans la Loi, implique une approche concrète et opérationnelle qui ne se limite pas à la préservation des paysages remarquables mais nécessite la formulation d’objectifs de qualité paysagère à l’ensemble des paysages, notamment les paysages du quotidien et les paysages dégradés. Les objectifs de qualité paysagère doivent être formulés dans tous les documents d’urbanisme dès le Projet d’aménagement et de développement durable (PADD). Ils sont fixés par l’autorité publique. Il revient aux pouvoirs publics concernés, élus, organismes d’aménagement et de développement, agences d’urbanisme, Parc naturel régional de Corse… et aux services de l’État de veiller à leur élaboration en s’assurant notamment de la coopération effective d’une compétence de paysagiste-concepteur et en s’appuyant sur une large concertation.

Les objectifs de qualité paysagère peuvent releverde la protection, de la gestion et/ou de l’aménagement des paysages. Ils peuvent notamment porter sur la requalification des paysages dévalorisés par des réseaux aériens et la publicité, ainsi que sur des conditions d’accès du public au paysage : sentiers, voies vertes, préservation de points de vue, etc.

La qualité des paysages de demain dépend de la qualité des décideurs, des concepteurs et des aspirations des populations.

Les objectifs de qualité paysagère, comme socle du projet de paysage, se déclinent à toutes échelles (du panorama grandiose des routes corses à la clôture de lotissement, paysages déclinés du général au particulier en ne négligeant pas d’exprimer l’histoire commune qui se dégage de projet en projet) et se définissent à la croisée des données naturelles et humaines tant dans leurs dimensions historique que géographique (d’où l’importance d’initier une démarche d’études préalables pour recueillir, analyser les données et en tirer les conclusions traduites dans les objectifs de qualité paysagère). Ils constituent un moyen d’améliorer le cadre de vie de toutes les populations vivant sur le territoire grâce à des démarches de prises de décisions participatives de tous les utilisateurs et acteurs d’un territoire et doivent se déployer sur les territoires les plus remarquables mais aussi sur les paysages du quotidien (entrées de ville commerciales, comme Bastia ; zones périphériques de stations balnéaires dégradées par le stockage de bateaux (Saint Florent) ; secteur agricole banalisé de la plaine orientale ; etc.).

Ces objectifs de qualité paysagère pourraient concrètement être déclinés et en concourant collectivement à la mise en oeuvre de la Charte du PNR sur son périmètre, en sensibilisant au paysage dès le plus jeune âge dans les écoles (journées d’informations, sorties pédagogiques sur le paysage), en associant à chaque PADD un plan de paysage à l’échelle du territoire pour faciliter la concertation, en imposant des règlements ou chartes paysagères associés à des permis d’aménager, ou encore en veillant à la présence et à la qualité des volets paysagers de permis de construire.

Les thèmes majeurs à aborder en Corse sont la qualité de l’insertion des routes, les plantations des bas-côtés, les récupérations des eaux, les ouvertures des vues, la préservation de la végétation existante, la qualité des enrochements en harmonie avec le site, la qualité des plantations arbustives et arborées dans les zones urbanisées, la restauration du bâti et la limitation des extensions, l’insertion dans la topographie, etc.

Vers un critère « paysage » des projets, plans et programmes

La prise en compte effective du paysage est un critère d’éligibilité des projets au Contrat de plan État - Région (CPER) 2015-2020. Ce critère est notamment fondé sur la Convention européenne du paysage et sa déclinaison en droit national, notamment sur la définition d’objectifs de qualité paysagère étendus à tout le territoire.

L’éligibilité de tout projet d’aménagement au CPER implique la nécessité d’intégrer des objectifs de qualité paysagère. Cette exigence de qualité paysagère se décline en trois conditions :

  • l’analyse correcte des problématiques et des enjeux paysagers ;
  • la conception d’une composition paysagère assurant l’insertion adéquate du projet ;
  • la prise en compte effective des enjeux de paysage, la définition de mesures compensatoires à l’échelle des impacts.

Ainsi, la composante « paysage » des projets ne doit pas être un simple « volet » (plus ou moins accessoire) mais une composante intrinsèque du projet. Tout projet d’envergure sera réalisé par une composante avérée de paysagiste-concepteur. Une note « paysage » est nécessairement produite. Cette note synthétise la démarche, démontre que le projet est correctement intégré au paysage, surtout selon les deux composantes essentielles, géomorphologie et végétation, et contient notamment plusieurs photomontages.  

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