Les espèces marines

 

 

En Méditerranée, la connaissance sur la caractérisation, l’état de santé et le fonctionnement propre des biocénoses reste de nos jours partielle pour certaines communautés biologiques. Cependant, on peut estimer le nombre d’espèces marines entre 10 et 12.000, ce qui correspondrait à 4 à 18 % des espèces connues dans le monde. La mer Méditerranée est l’un des dix « points chauds » de biodiversité de la planète, grâce à la richesse de sa faune et sa flore, mais aussi par son haut niveau d’endémisme. Sa situation hydrologique s’avère déterminante et son histoire géologique a été propice au développement de l’endémisme (30 % d’espèces endémiques). Elle fait preuve d’une diversité d’espèces exceptionnelle au vu de sa taille (environ 7 % des espèces marines répertoriées mondialement sur moins de 1 % de la surface globale des océans) et renferme une grande variété d’écosystèmes et de paysages sous-marins.

Par ailleurs, son isolement biogéographique la rend vulnérable aux multiples influences extérieures et aux introductions de facteurs exogènes. Pour finir, le faible rythme de renouvellement de ses eaux (en moyenne 90 à 100 ans) ne lui permet pas de faire disparaître rapidement les traces d’une pollution accidentelle et peut concentrer une pollution chronique jusqu’à dépasser les seuils de résilience naturelle. 

Golfe de Saint-Florent (-8m), surplomb rocheux abritant
des espèces vivants généralement plus profondément :
le bryozoaire Myriapora truncata, l’éponge Crambe crambe
et les algues sciaphiles (Palmophylum – à gauche
et Peyssonelia – en bas)
Gérard Pergent

 

Les communautés planctoniques du phytoplancton et du zooplancton constituent les premiers maillons de la chaîne alimentaire aquatique. Des blooms phytoplanctoniques côtiers (Dinophysis et Alexandrium) peuvent contenir des toxines accumulables dans les coquillages. Pour les zones plus au large, la production primaire et les communautés phytoplanctoniques sont peu connues, mais les efflorescences printanières de ces dernières années sont plus tardives dans lasaison (avril - mai au lieu de mars). Cela pourrait être un effet du changement climatique. Le zooplancton est quant à lui constitué de petits animaux comme les copépodes et de nombreuses larves (poissons, crustacés, coquillages, etc.). La connaissance de ces communautés reste limitée.

Les biocénoses du médiolittoral sont présentes dans la zone de balancement des marées. On y trouve les biocénoses des fonds meubles (vases et sables), des cailloutis et galets, et des fonds durs et roches, qui abritent les grottes semi-immergées. Le faciès des banquettes de feuilles mortes de posidonies ou laisses de mer se rencontre principalement sur les fonds meubles. Les espèces marines présentes sont principalement des crustacés, et des vers marins. C’est une zone de nourricerie importante pour les oiseaux marins. Les fonds durs accueillent, en fonction des conditions hydrodynamiques et de la luminosité, des espèces variées telles que cyanobactéries, macro algues et algues encroûtantes à forte valeur patrimoniale (e.g. Lithophyllum sp), mais aussi des mollusques gastéropodes dont certains (e.g. Patella ferruginea) sont endémiques et considérés parmi les invertébrés les plus menacés de Méditerranée.

L’infralittoral, zone marine toujours immergée (de zéro à – 40 mètres de profondeur environ)accueille en fonction des conditions hydrodynamiques, une grande variété de substrats meubles, qui peuvent être colonisés par des plantes à fleurs telles que les cymodocées et les posidonies. Cette dernière espèce est considérée comme une espèce clé de voûte, qui édifie de vastes herbiers. Ceux-ci constituent le premier écosystème de Méditerranée, et hébergent une flore et une faune très diversifiée (pôle de biodiversité). Ils jouent un rôle majeur, tant au niveau écologique qu’économique (nurseries d’espèces commerciales, protection vis-à-vis de l’érosion côtière). Sur l’ensemble du littoral de la Corse, l’herbier de posidonies occupe une surface restant à affiner, les estimations variant en fonction des études entre 43.636 et 53.736 ha. La très faible superficie des mattes mortes, occupant, d’après les mêmes études, de 204 à 437 ha, illustre la vitalité de l’herbier. Toutes ces biocénoses sont particulièrement bien représentées le long de la côte orientale de la Corse. Les fonds durs infralittoraux accueillent quant à eux les grandes forêts d’algues photophiles (cystoseire, etc.) dont plusieurs sont endémiques.

Les biocénoses du circalittoral concernent la zone marine qui s’étend depuis la limite inférieure des herbiers de plantes à fleurs jusqu’à la profondeur de limite de vie des algues sciaphiles (soit de façon schématique de – 35 / – 40 m à – 100 / – 120 m de profondeur). On y trouve des algues bioconcrétionnantes à l’origine de l’édification des peuplements coralligènes et des fonds à rhodolithes et de nombreux invertébrés dressés : spongiaires, grands cnidaires (gorgones, corail rouge), bryozoaires, mais aussi des mollusques gastéropodes, des crustacés à haute valeur commerciale (langoustes, cigales, homards) et des échinodermes. Parmi les biocénoses de fonds durs, les grottes sous-marines restent des milieux assez peu connus et très particuliers qui abritent des espèces vivant habituellement plus profondément. Le coralligène reste un hot spot important en matière de biodiversité, avec plus de 2.000 espèces recensées (mérou, langouste, homard, gorgones, corail rouge, etc.) mais encore méconnu.

Les biocénoses du bathyal et de l’abyssal concernent les grands fonds (à partir de 200 m de profondeur). La présence des animaux est influencée principalement par l’hydrodynamisme.La faune se caractérise par des spongiaires, des cnidaires, des mollusques, des crustacés, des vers, de nombreux échinodermes (oursins, étoiles de mer) et des poissons. Du fait des grandes profondeurs, ces biocénoses restent peu connues mais les études récentes laissent entrevoir la présence d’espèces marines rares et importantes (gorgones, huîtres géantes, coraux profonds) notamment sur les têtes des canyons sous-marins.

Les peuplements démersaux concernent essentiellement les populations de poissons vivant au fond ou près du fond comme les tacauds, merlus, chinchard, grondin, roussette, rougets, etc. Les études réalisées ces dernières années ont conclu à une faible variation de ces populations de poissons malgré les pressions humaines (pêche professionnelle et de loisir notamment), excepté pour les raies et les requins dont les populations régressent. Les populations de poissons présentes plus en profondeur (merlan bleu, baudroie commune, etc.) restent mal connues.

Les peuplements pélagiques sont représentés par les poissons de pleine eau (anchois, sardines, maquereaux, etc.). Les grands pélagiques (thon rouge, espadon, requins, etc.) y sont également bien présents. La compréhension de la présence des mammifères et des reptiles marins est loin d’être aboutie.

 
Grande nacre dans un herbier de posidonie
Eric Volto pour l’OEC

Les observations révèlent la présence autour de la Corse de :

Par ailleurs, l’introduction d’espèces marines se fait par transfert via le canal de Suez en raison notamment du réchauffement climatique, le transport maritime (eaux de ballast, fouling sur les coques) et les cultures marines. Si une connaissance significative a été développée sur les caulerpes comme Caulerpa taxifolia et C. cylindracea (ex-C. racemosa), beaucoup d’espèces invasives restent encore méconnues. La présence et l’expansion des caulerpes et des espèces exotiques, de façon plus générale, sont surveillées au travers du réseau « Alien », initié par l’OEC et la DREAL en partenariat avec la FFESM et l’Université de Corse. Si Caulerpa taxifolia est absente des côtes corses, Caulerpa cylindracea occupe, en 2016, la quasi-totalité du littoral et de nouvelles espèces comme le crabe plat des oursins (Perncon gibbesi) ou le poisson flûte (Fistularia commersonni) sont d’ores et déjà présents dans plusieurs secteurs et montrent une cinétique de colonisation préoccupante.

Plus généralement, il conviendra de poursuivre les études et modélisations pour mieux connaître et analyser l’influence de la circulation des masses d’eau sur la biodiversité et le recrutement des populations d’organismes marin.

Les espèces exotiques envahissantes

Les espèces exotiques envahissantes (EEE) provoquent des nuisances sur :

  • l’environnement par prolifération qui entraîne une diminution de la biodiversité indigène ; en Corse la vulnérabilité est très forte, car les habitats sont de petite surface et les espèces endémiques nombreuses et occupant des niches écologiques étroites (compétition sévère pour la survie) ;
  • la santé (exemple allergies à l’ambroisie à feuilles d’armoise) ;
  • les activités humaines/l’économie comme l’agriculture, la gestion de l’eau, la chasse, la pêche ;
  • les paysages par homogénéisation.

Une liste des EEE préoccupantes pour l’Union européenne a été adoptée le 13 juillet 2016 (règlement d’exécution 2016/1141). Sur 37 espèces inscrites, trois espèces végétales et trois espèces animales sont présentes en Corse.
D’autres espèces non mentionnées dans cette liste, présentant un enjeu fort, sont présentes en Corse.

Les espèces suivantes font l’objet et d’actions d’éradication totale ou ciblées à certains secteurs :

Les EEE végétales

  • La jussie rampante (Ludwigia peploides) (présente sur la liste européenne) : plusieurs stations sur les points d’eau de l’extrême Sud. L’objectif est l’éradication totale.
  • L’ambroisie à feuille d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) : deux stations (Baracci et Moriani). Arrachage ; l’espèce fait l’objet d’une sensibilisation et veille active.
  • La griffe de sorcière (Caprobrotus edulis) : présent sur presque tout le littoral ; l’espèce fait l’objet d’arrachage et sensibilisation par les gestionnaires des réserves, les associations/bénevoles, les collectivités.
  • La fougère invasive Salvinia molesta : une station connue ; l’espèce fait l’objet d’actions d’éradication CBNC avec la société mycologique d’Ajaccio (bénévolat) ; l’objectif est l’éradication totale.
  • La renouée du Japon (Reynoutria japonica et Reynoutria bohemica) : présence sur plusieurs kilomètres du cours du Taravo et un affluent depuis 2012 ; l’espèce fait l’objet d’actions d’éradication conduites par le Conseil départemental de la Corse du Sud depuis 2013 ; l’objectif est l’éradication totale.
  • Les algues invasives Caulerpa taxifolia et Caulerpa racemosa : impact sur les herbiers de posidonie - absence de l’espèce C. taxifolia pour le moment. Un réseau de surveillance est mis en place depuis quinze ans coordonné par l’OEC ; au cas ou Caulerpa taxifolia apparaîtrait, l’objectif est l’éradication totale.
  • Le séneçon du Cap (Senecio inaequidens) : stations à Calvi et Cruzzini. Présent depuis 1984 ; l’objectif est l’éradication totale.
  • L‘ailante (Ailanthus altissima) : très répandu, présent depuis les années 1930. L’espèce fait l’objet d’une sensibilisation ; tentatives d’éradication à cibler sur certains sites sensibles (aujourd’hui éradication générale impossible).

 

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